Le temps, disait Kant, est un horizon à travers
lequel nous autres humains faisons
l’expérience du monde. Autrement dit,
il structure notre façon d’aller à la rencontre
de ce qui est. Or les conditions de cette rencontre semblent
désormais compromises. Tout va de plus en
plus vite : entre fast-food et haut débit, notre époque
se distingue par la toute-puissance de la vitesse. Ce
qui est en jeu, ce n’est plus l’emballement technique,
mais l’accélération du réel lui-même.
Voilà l’une des désillusions du progrès, soulignée
par des théoriciens comme le Français Paul Virilio ou
l’Allemand Hartmut Rosa : plus nous sommes équipés
d’appareils censés nous faire gagner du temps,
plus nous avons le sentiment d’en manquer. Dans les
relations sociales comme dans la vie intime, en politique comme en
amour, notre quotidien est marqué par l’urgence. Le triomphe de l’immédiat rend impossible
toute vie au présent. Le règne de l’instantanéité
enterre la mémoire et dynamite l’avenir.
Reconstruire un espace de confiance, de discussion,
voire, pourquoi pas ?, de justice, ce serait donc
ralentir le rythme, repartir à la conquête du temps
long. Voilà pourquoi le 23e Forum Le Monde-LeMans
prendra celui de la réflexion. Philosophes, physiciens
ou historiens, hommes d’images ou femmes de lettres,
les intervenants tenteront de répondre ensemble
à cette question : « Où est passé le temps ? » Trois
jours durant, ils confronteront leurs paroles aux interrogations du
public.
Jean Birnbaum
