Ce texte a déjà paru dans Poétiques de l’octosyllabe – Études réunies par Danièle James-Raoul et Françoise Laurent, Paris, Honoré Champion, 2018, p. 43-58. Nous remercions Michel Banniard de nous avoir autorisé à le reproduire ici.
PARADIGME DU VERS EN DIACHRONIE LONGUE
1. Il est particulièrement compliqué de se déprendre des configurations écrites lorsqu’on tente de faire de l’histoire longue du vers. la prédominance culturelle du signe écrit rend souvent ardu l’effort d’aller au-delà des représentations manuscrites ou imprimées. Entre autres effets fâcheux, cette limitation du point de vue a eu pour résultat, d’une part, de masquer de profondes différences transséculaires (ruptures entre l’AFC et l’AFT, et surtout mutation en FM) et inversement, d’autre part, de minorer les éléments de continuité (vers rythmique latin et vers épique d’oïl).
2. L’autre arête méthodologique, conséquence de (1), est précisément
de poser clairement la notion de « vers ». il a été beaucoup écrit là-dessus,
heureusement, avec essentiellement des études sur le décompte interne
des mesures de chaque vers (vers « exact », « vers faux »…) ou sur le
système des assonances, rimes, etc. on s’est moins intéressé à un point pourtant cardinal, celui de la perception de la frontière de vers par les
auditeurs. on a bien souligné, à la lumière de savantes études bâties et sur
les manuscrits et sur les témoignages des théoriciens, combien la notion
même de « vers », pourtant évidemment solidement présente et active,
garde un aspect ambigu ou flou. C’est précisément l’occasion à propos
de ce paramétrage global de choisir comme piste de recherche cette
perception d’une limite orale. [...]