Chère Emmanuelle Lallement,
Je me joins aux accolades de mes collègues et vous remercie pour une riche présentation.
Les interventions au cours de trois années de séminaire ont renforcé l’idée que l’approche rythmique fournissait un terroir conceptuel partagé par des disciplines très variées, tant sur le plan de l’observation que celui des analyses de phénomènes.
J’ai été particulièrement sensible à la dimension énergétique du phénomène festif. Une grande partie de votre présentation, il m’a semblé, était traversée par la notion d’énergie. Vous avez évoqué la tension (créatrice), la chaleur et le feu, l’ordre et le désordre, la fréquence des déhanchements syncopés, autant de notions qui nous ramènent à des formes et des états énergétiques bien compris dans d’autres sciences.
Pour moi, une forme sociale, la fête, reflète une organisation particulière de l’énergie. L’énergie est un potentiel d’action et d’organisation : elle se structure dans ses flux et ses transformations sous l’effet de ses propres lois et dynamiques et sous l’influence du travail des agents engagés dans des processus de production et de changement. Le système de pratiques et relations sociales qui peut en résulter est défini par des caractéristiques et dynamiques propres. Effectivement, vous avez parlé du surgissement de la cadence à partir de comportements individuels et collectifs spontanés, et de la possibilité d’émergence d’ordres alternatifs.
En physique, il est facile de mesurer les différents aspects et états de l’énergie par des mesures idoines : la température, la tension, la masse, le volume, la pression, la puissance, etc. Votre propos a fait ressortir que l’on parle toujours d’énergie au niveau des formes sociales. Le potentiel d’action se réalise nécessairement dans l’univers physique sous des formes et des conditions qui correspondent aux technologies et niveaux de complexité organisationnelle du lieu et du moment. Vous y avez fait allusion en parlant de dispositifs sociaux-techniques.
Je pense que l’appréciation des rythmes dans les faits sociaux passe par notre capacité à caractériser et évaluer les flux énergétiques qui les sous-tendent, de manière à pouvoir mieux repérer les cadences et les moments de décadence. Il serait donc très utile d’identifier les indicateurs qui expriment les dimensions physiques de ces potentiels au niveau des faits individuels et collectifs.
En vous écoutant, j’ai pensé que les événements festifs pouvaient présenter des caractères qui rendaient les flux d’énergie plus palpables. Je me suis demandé si vous connaissiez ou auriez participé à des travaux qui se seraient attachés à mesurer l’intensité, les transferts de chaleur, la masse peut-être, la force transformatrice, le pouvoir (capacité), etc. de ces formes sociales ? Pourriez-vous nous en communiquer des références ?