C. Bonicco-Donato, Se mouvoir et être ému. L’expérience esthétique en architecture, Marseille, Parenthèses, 2024, 251 p.
Considérée par la philosophie esthétique comme œuvre imparfaite parce qu’assujettie au besoin et à la nécessité, l’architecture ordinaire est ici l’objet d’un tout autre regard. Habitation, lieu de travail, de culte ou de simple passage, elle est montrée au contraire comme l’endroit d’une expérience éminemment esthétique en ce qu’elle donne accès au plus profond de notre être-au-monde.
Laissant à d’autres la vénération immobile de l’architecture monumentale, l’autrice chemine sans masque dans l’infinie complexité des émotions et des sensations suscitées par ces espaces du quotidien. Sont éveillés en nous, dit-elle, tandis que l’on s’y meut, le sentiment d’être à sa place, celui d’être vivant, de battre à l’unisson du monde.
Cette version dynamique de l’esthétique architecturale, qui recourt aux concepts de rythme, d’ambiance et d’atmosphère, s’affirme comme résolument contemporaine et, à ce titre, comme une source d’inspiration à la fois nouvelle et indispensable.
Car ce contrepied pris des théories de Kant, Hegel et Benjamin l’est aussi d’une certaine architecture dont les excès de façade privent de toute sève nos lieux dits de vie.
Céline Bonicco-Donato enseigne à l’École nationale supérieure d’architecture de Grenoble. Ancienne élève de l’École normale supérieure, agrégée, titulaire d’un doctorat en philosophie, elle a d’abord développé ses recherches sur la sociologie urbaine de l’école de Chicago, plus particulièrement sur l’interactionnisme d’Erving Goffman, auquel elle a consacré un ouvrage (Une archéologie de l’interaction. De David Hume à Erving Goffman, Vrin, 2016). Elle développe ses recherches en philosophie de l’architecture au sein de l’équipe Cresson, UMR Ambiances, Architectures, Urbanités. Dernier ouvrage paru Heidegger et la question de l’habiter, Parenthèses, 2019.