Utopies rythmiques au début du XXe siècle allemand : le rythme comme ciment social et comme remède au morcellement des sciences

Olivier Hanse
Article publié le 17 janvier 2013
Pour citer cet article : Olivier Hanse , « Utopies rythmiques au début du XXe siècle allemand : le rythme comme ciment social et comme remède au morcellement des sciences  », Rhuthmos, 17 janvier 2013 [en ligne]. https://www.rhuthmos.eu/spip.php?article607

Le concept de « rythme », véritable « mot phare [1] » du tournant du siècle en Allemagne, articule autour de 1900 un certain nombre d’accusations contre le monde moderne, cristallise des espoirs de renouveau et se trouve placé au centre de projets éthiques opposés aux tendances individualistes et utilitaires. Il bénéficie d’une part de phénomènes contextuels comme l’essor de la danse moderne (autour de personnalités comme Isadora Duncan (1877-1927), Émile Jaques-Dalcroze (1865-1950) et plus tard Rudolf Laban (1879-1958) et Mary Wigman (1886-1973)) [2] et la fondation par Wilhelm Wundt (1832-1920) d’une psychologie de laboratoire [3] qui va se passionner pour la perception des phénomènes rythmiques et en tirera des conséquences sur les mécanismes de la jouissance artistique [4].


Il profite par ailleurs de toute évidence de la vogue d’un autre concept, celui de « vie [5] » (Leben) : face au règne de la machine et à la mécanisation généralisée des comportements, la « vie » en tant que totalité éternellement créatrice peut, dans le sillage de Friedrich Nietzsche [6] (1844-1900), devenir un véritable critère d’évaluation opposé au matérialisme dominant. À côté de l’Art Nouveau (Jugendstil [7]) et du « mouvement de jeunesse » (Jugendbewegung [8]), les deux contextes intellectuels essentiels de cette vogue néovitaliste en Allemagne sont la Lebensreform et la Lebensphilosophie, qui feront par la suite l’objet d’une brève présentation. Puis, gardant cet arrière-plan à l’esprit, nous verrons que l’utilisation du concept de rythme dans le cadre de discours critiques à l’égard de la civilisation (zivilisationskritisch [9]) profite des mêmes mécanismes psychosociaux que le concept de « vie » et qu’il participe d’une double utopie visant, d’un côté, à pallier le morcellement des savoirs par la création de « rythmologies » englobantes qui mettraient définitivement fin aux tendances arithmétiques et au « microscopisme » de la science moderne, et de l’autre, à résorber les conflits de classe par la constitution de communautés à la fois « repyramidées », mieux coordonnées, plus joyeuses et plus fraternelles.

 Contexte intellectuel et social des utopies fondées sur le rythme

La Lebensreform (en francais : réforme de la vie ou bien réforme des modes d’existence) est un vaste mouvement de retour à une vie plus saine et plus naturelle [10] qui a connu en Allemagne des ramifications extrêmement diverses allant du végétarisme au nudisme en passant par les médecines alternatives, la pédagogie réformée, la réforme de l’habit ou de la sexualité, ou encore la pratique de gymnastiques particulières [11] (rythmiques et autres) visant à « régénérer » un homme moderne en proie à des tendances agressives ou neurasthéniques [12].


Le principe fondamental de la Lebensreform est celui de l’action indirecte sur la société [13]. Face à une situation politique jugée bloquée, on tente d’agir en profondeur sur les personnes et part du principe que la formation d’individus sains et équilibrés est le préalable indispensable de la fondation d’une communauté harmonieuse et fraternelle [14]. Le végétarisme tel que professé par un déçu de la Révolution de 1848 comme Gustav Struve [15] (1805-1870), peut être considéré comme le prototype même d’un mode d’action indirecte sur la réalité sociale. Sous-tendu par des raisonnements qui peuvent prêter à sourire [16], le végétarisme a néanmoins été, combiné avec l’idée de la réforme foncière (Bodenreform [17]), à l’origine de microsociétés d’envergure tout à fait remarquable, comme par exemple la Obstbausiedlung Eden qui ne se compose en 1923 de pas moins de 450 membres permanents [18] et a largement contribué à rendre populaires des produits comme la margarine ou encore tous les succédanés de viande (Pflanzen-Fleisch) que l’on trouve aujourd’hui dans n’importe quel supermarché bio.


Dans le contexte de la Lebensreform, vie et vitalité sont les valeurs suprêmes opposées aux tendances moribondes de la société industrielle et capitaliste. Par une sorte d’inversion de la morale chrétienne, le salut général est supposé venir de la remise à l’honneur du corps, dont la longue négligence à travers l’histoire occidentale est dénoncée comme une incomparable perversion. La « religion de la santé [19] » qui a largement cours dans ces milieux alternatifs s’accompagne d’une analogie quasi omniprésente entre corps individuels et corps social [20], qu’il s’agit de soumettre conjointement à une thérapie (de type rythmique ou autre) visant à recréer le lien qui unissait autrefois la culture aux forces régénératrices du vivant.


Une part du discours de la Lebensreform est considérablement influencé par la Lebensphilosophie [21] (parfois traduit en français par « néovitalisme »), courant philosophique partiellement anti-intellectualiste et opposé à la philosophie « académique » (en allemand Universitätsphilosophie ou Kathederphilosophie), auquel le néokantien Heinrich Rickert (1873-1936) – qui en a été un des critiques contemporains les plus virulents - a reproché à juste titre d’opérer avec un concept de vie mal défini, imprécis et de sombrer ainsi dans un biologisme confus et un intuitionnisme [22] qu’il jugeait improductifs.


Pour ses principaux représentants que sont Friedrich Nietzsche, Henri Bergson (1859-1941), Georg Simmel (1858-1918), Wilhelm Dilthey (1833-1911) et Ludwig Klages (1872-1956), la « vie » est précisément ce qui ne peut être que vécu ou intuitionné, et échappe fondamentalement à toute appréhension purement rationnelle. Elle apparaît chez eux avant tout comme un « concept de combat » (en allemand Kampfbegriff  [23]) visant à démontrer les limites de la pensée cartésienne et à opposer très clairement une approche philosophique intuitive (dans laquelle l’intellect n’est utilisé que pour vérifier, formuler et donc figer ce qui a été saisi par l’intuition) à la méthode des sciences expérimentales jugées fondamentalement mécanistes et accusées de vouloir réduire la réalité à ses aspects quantitatifs et exploitables.


Sous la plume d’un penseur néovitaliste comme Ludwig Klages, le concept de rythme semble particulièrement mériter cette étiquette, dans la mesure où, conçu comme un principe d’éternel renouvellement et comme une loi unificatrice du cosmos, il est catégoriquement opposé à l’univers de la reproduction mécanique et échappe à toute appréhension rationnelle [24]. En graphologie comme en expression ou bien dans l’étude phénoménologique de la nature ou de l’art, le « rythme » est, avec la notion de « niveau de forme » ou « contenu vital » (Formniveau [25]), à la fois une valeur éminemment positive et une richesse menacée par les progrès dévastateurs de la raison instrumentale (der Geist), laquelle est conçue comme un phénomène parasitaire, une sorte de maladie ayant réussi à s’introduire dans la cellule vitale dans l’objectif de la tuer par séparation du corps et de l’âme (l’Esprit cherche à « désanimer le corps » et « désomatiser l’âme [26] »).


Une des clés de la compréhension de ces deux phénomènes de résistance contre la modernité est la prise en considération de la réalité sociale du Reich wilhelminien et de la République de Weimar, et en particulier de la situation particulière de la « bourgeoisie cultivée [27] » allemande (Bildungsbürgertum). Classe relativement homogène, essentiellement protestante, la « bourgeoisie cultivée » se définit avant tout par sa formation classique et humaniste et ses diplômes universitaires, qu’elle envisage comme de véritables titres de noblesse. Elle se compose essentiellement de hauts fonctionnaires, professeurs de lycée et à l’université, médecins, juges et avocats, journalistes, écrivains et artistes [28].


La situation particulière de cette classe en Allemagne au début du XXe siècle peut être décrite de la façon suivante : écartée du pouvoir politique depuis bien longtemps, elle a été traumatisée par l’échec de la Révolution de 1848 et, face à une situation qu’elle jugeait bloquée, a fini par perdre tout espoir dans l’action politique. L’enrichissement bien visible de la bourgeoisie d’affaires, la montée en puissance des ingénieurs et des techniciens, qui se manifeste entre autres par l’émergence d’un nouveau modèle de formation, le développement des lycées modernes (Realgymnasien), qui mettent l’accent sur l’enseignement des sciences et renoncent à celui du grec et du latin, et la création très controversée du titre de Dr.-Ing. [29], suscite auprès de la bourgeoisie cultivée le sentiment d’une perte de prestige sociale, de sorte qu’elle se sent à moyen terme menacée de déclassement voire de paupérisation. Face à la montée du mouvement ouvrier, elle opte en grande partie pour un ralliement de façade au Reich de Bismarck et aux forces conservatrices, considérés comme le meilleur rempart possible contre la révolution communiste, et tente par des voies détournées de miner les fondements d’un ordre capitaliste injuste et de poser les fondements d’une « troisième voie » politique qui leur permettrait de reconquérir un leadership qu’elle croit mériter [30].


La « révolte des clercs [31] » (Gebildetenrevolte), comme l’a appelée Ulrich Linse (*1939), se manifeste notamment par un discours catastrophiste (et largement médicalisé) sur la décadence, la nervosité [32], la neurasthénie, la dégénérescence de l’homme moderne, la destruction de l’environnement, la mécanisation et l’atomisation des individus et le risque d‘implosion du corps social. Ces diagnostics alarmistes, qui peuvent être interprétés comme la « somatisation d’un malaise de classe [33] », permettent plus généralement de condamner le monde tel qu’il est advenu sous le règne des industriels et des banquiers, mais aussi de se profiler au sein des différentes ramifications de la Lebensreform comme « médecins du corps social », seuls aptes à lui administrer les remèdes adéquats, ce qui ferait d’eux les leaders naturels d’une communauté renouvelée. Dans ce contexte, les concepts de vie, de vitalité et de santé sont opposés au matérialisme dominant et à tout ce qui écrase les membres de la bourgeoisie cultivée et met en péril les valeurs qu’ils représentent : une science et un système éducatif guidés par des considérations utilitaires mais aussi, tel que l’a décrit Georg Bollenbeck (1947-2010), un art moderne qui conteste à la bourgeoisie son rôle de définition des normes esthétiques [34].

 L’utopie d’une rythmologie mettant fin au morcellement des savoirs

Le projet de recréer autour du concept de rythme une unité des domaines de savoir s’inscrit largement dans la logique qui vient d’être décrite : il est l’aboutissement d’une critique de la science moderne dont l’évolution reflète pour de nombreux clercs le triomphe de leurs adversaires, les industriels, ingénieurs et techniciens. Par opposition à la fascination que suscitent auprès du plus grand nombre les progrès des sciences et techniques, les Zivilisationskritiker fustigent ce que le sombre et célèbre critique de son temps August Julius Langbehn [35] (1851-1907), auteur du Rembrandt éducateur appelle la « conception microscopique du monde » (« mikroskopische Weltanschauung [36] ») : une tendance au morcellement des domaines d’investigation, à la spécialisation à outrance et à la valorisation excessive des savoirs techniques et arithmétiques au détriment de la sensibilité individuelle et de l’intuition.


Commentant avec bienveillance le refus catégorique de Goethe (1749-1832) de se servir d’un microscope, Langbehn reproche à une science arrogante et beaucoup trop concentrée sur le détail de passer régulièrement à côté de l’essentiel, à savoir l’unité organique du monde, mais aussi de nuire à la santé psychique de ceux qui la pratiquent et qui deviennent progressivement aveugles à la beauté et au sens général des choses [37]. Ces scientifiques frappés de strabisme restent, d’après Langbehn, cantonnés à leur petite discipline ; ils se comportent comme les « chenilles » dans la célèbre citation de Kleist (1777-1811), qui « sont assises chacune sur leur feuille, croient toute que la leur est la meilleure, et se désintéressent de l’arbre [38] » qui les porte. Contrairement à ce qu’ils prétendent, leur attachement au détail les empêche d’être objectifs. En effet, dissocié de la totalité à laquelle il appartient, le détail ne peut fournir d’information fiable ni sur lui-même ni sur la totalité. Bien au contraire, le regard au microscope aboutit, selon Langbehn, à une uniformisation du monde « tout aussi erronée que l’idéologie politique qui prône l’égalité des hommes [39] ». Pour sortir de cette impasse caractéristique d’un état de confusion généralisée, le publiciste invite la science allemande à dépasser ce stade improductif de son évolution (logique de triade schillérienne) en se rapprochant de l’art et de la philosophie et en apprenant à concilier observation microscopique et raisonnement macroscopique.

Dans son idéalisme, le siècle précédent voyait le monde de la perspective de l’oiseau ; notre siècle, dans son spécialisme, le voit de la perspective de la grenouille. Espérons que le siècle prochain, dans son individualisme, le verra de la seule perspective qui sied à l’homme, à savoir la perspective humaine […]. Les Allemands ont connu leur ère naïve ; puis ils ont connu leur ère scientifique ou consciente ; et ils vont maintenant connaître leur ère artistique ou naïve-consciente. Seule cette dernière est le couronnement de leur éducation. C’est donc dans l’intérêt de ce peuple que de ne pas se laisser retenir dans des stades préparatoires d’éducation plus longtemps que cela n’est indispensable. L’ère des professeurs a fait suite à l’ère médiévale ou ère des chevaliers ; c’est maintenant le tour de l’ère des hommes. Par conséquent, l’Allemand d’aujourd’hui doit décider s’il veut devenir « homme » ou rester « professeur » [40].

La critique de la science moderne par cet adepte de Schiller (avant tout pour sa théorie de l’éducation esthétique) et de Nietzsche et ce représentant de la pensée völkisch est, comme c’est le cas pour beaucoup de ses prises de positions [41], assez représentative des milieux intellectuels de la « réaction progressiste » (fortschrittliche Reaktion [42]), qui voyaient dans l’essor des mathématiques, de la physique et de la chimie une menace pour le système de formation dont ils étaient issus et donc, à terme, pour leur reconnaissance sociale. Si Langbehn ne s’est intéressé au rythme que de façon très marginale [43], un certain nombre d’auteurs verra dans l’étude transdisciplinaire des phénomènes rythmiques et périodiques la perspective d’une réconciliation entre sciences de la nature et sciences de l’esprit permettant la sortie d’un cloisonnement et d’un matérialisme jugés néfastes et improductifs. Seuls deux d’entre eux, défenseurs d’une correspondance entre microcosme et macrocosme essentiellement héritée de Platon (IVe siècle avant J.C.) et du XVIe siècle (en particulier Paracelse (1493-1541)), seront brièvement abordés en tant qu’exemples représentatifs de cette tendance : le chirurgien et philosophe méconnu Carl Ludwig Schleich (1859-1922) et le célèbre occultiste et fondateur de l’anthroposophie Rudolf Steiner (1861-1925).


L’idée selon laquelle l’étude de la périodicité et du rythme pourrait être élevée au rang d’une science capable d’englober toutes les autres apparaît dans l’essai De l’âme [44], dans lequel Carl Ludwig Schleich tente de poser la première pierre d’une telle « rythmologie », conçue comme « une sorte d’astrologie moderne, selon laquelle le monde organique peut tout à fait devoir la variété de ses formes à des événements cosmiques et pour qui la forme des êtres vivants et le développement de nouvelles espèces se décident davantage à proprement parler dans le ciel que sur notre minuscule planète [45]. »


Pour Schleich, le rythme constitue une sorte de lien entre l’infiniment grand et l’infiniment petit, entre le vivant et l’anorganique, et doit par là même pouvoir devenir une sorte de trait d’union entre les différents domaines du savoir. Car si, d’après lui, le moteur du monde, la force originelle (die Urkraft), ne pourra jamais devenir l’objet d’une étude scientifique, nous pouvons néanmoins en avoir une connaissance indirecte en observant le comportement de la matière face à celle-ci. Il en ressort que l’élasticité de cette dernière et sa faculté de se comprimer pour augmenter sa capacité de résistance face à la pression continue de la force est à l’origine d’une danse perpétuelle dont le rythme constitue une sorte de compromis, dans lequel force et matière cèdent chacun leur tour, soumettant ainsi le monde à une éternelle pulsation.


La diversité du vivant, l’évolution des espèces, ne sont pour notre essayiste que la conséquence de ce mouvement continu ; le monde organique, entraîné dans cette danse, doit perpétuellement adapter son propre rythme à celui du cosmos et produire de nouvelles formes plus aptes à résister aux conditions nouvelles. La théorie de Darwin doit par conséquent être revue à la lumière de cette découverte, car la constante évolution des espèces n’est pas, selon Schleich, la conséquence d’une impitoyable guerre de tous contre tous, mais de la nécessité de s’intégrer dans des variations dont les conséquences dépassent le cadre de notre planète [46].


Lorsque l’on aura percé les lois du rythme cosmique, la biologie et la morphologie deviendront tout naturellement des sous-sciences de la « rythmologie » que Schleich tente d’impulser. De même, la quasi-totalité des sciences devrait alors pouvoir s’intégrer dans ce savoir englobant, qui mettra définitivement fin à la multiplication des disciplines et au morcellement du savoir. On se rendra alors compte que la physique, qui n’est finalement rien d’autre qu’une « théorie des résistances », et la chimie, qui étudie « la variabilité des caractéristiques des corps en fonction des conditions dans lesquelles ils interagissent [47] », doivent s’intégrer dans une problématique plus large qui reliera le monde des atomes à celui des astres. Elles seront tout naturellement rejointes par la psychologie, qui reconnaîtra que l’essence même d’une personnalité se détermine en fonction de la capacité rythmique de réaction et de résistance de ses centres nerveux et définira la fantaisie comme la capacité de l’âme humaine à se mettre dans le rythme de quelque chose qui lui est extérieur, qu’il s’agisse d’un autre individu, d’un animal, d’une plante ou d’un être inanimé. Enfin, non seulement les différents domaines du savoir se rapprocheront, mais l’artiste et le scientifique prendront conscience de la proximité de leur démarche. Car ce dernier a fondamentalement pour mission de « saisir le rythme de ce qu’il observe jusqu’au moteur secret des atomes en mouvement, et de transmettre les fruits de son observation à d’autres individus à l’intuition moins développée [48] », tandis que l’artiste ne vise par son œuvre à rien d’autre qu’à « se fondre rythmiquement » avec l’objet qu’il représente.

Malheur à l’artiste qui ne se fond pas rythmiquement avec l’objet qu’il veut représenter : il doit pouvoir être une pierre quand il en peint une, une fleur, quand il veut faire apparaître la beauté de son calice, un enfant, quand il veut parler comme les enfants parlent, et un nuage quand il veut laisser errer avec lui ses chansons [49].

En somme, d’après Schleich, la mise en évidence de la rythmicité de toute chose doit permettre d’abolir, ou du moins d’ébranler, les frontières artificielles mises en place par les différentes sciences, jusque-là plus soucieuses de « délimiter leur territoire » et de s’affirmer les unes contre les autres que de progresser ensemble dans la compréhension de l’univers et du vivant.


Dans un registre légèrement différent et face à un public bien plus large, le fondateur de l’anthroposophie Rudolf Steiner (1861-1925) a souvent considéré son système, fondé sur la reconnaissance de la nature spirituelle et rythmique de l’homme, comme une sorte de métascience appelée à englober toutes autres dans un savoir occulte universel, mais aussi comme une thérapie visant à éradiquer le matérialisme moderne et, à nouveau dans une perspective schillérienne, à sortir l’homme d’un état provisoire de déséquilibre entre ses facultés. Persuadé que tous les phénomènes physiques ont leur origine dans des phénomènes spirituels, Steiner cherche à produire une science de l’esprit (Geisteswissenschaft) capable d’enrichir la médecine, l’agronomie et l’astrologie, mais aussi la morale, la pédagogie et la métaphysique, voire de se substituer à elles [50]. Il entend par là même abolir l’éclatement des savoirs, renouer, à un niveau supérieur, avec la sagesse occulte de personnages comme Paracelse [51] et œuvrer au progrès spirituel de l’humanité.


Le concept de rythme joue chez Steiner un rôle important dans le cadre de la critique de ce qu’il appelle la « médecine matérialiste » et dont la chimie est le principal fondement. D’après lui, la connaissance spirituelle doit se substituer à cette dernière, sans quoi tout traitement médical demeurerait condamné à ne traiter que des symptômes et non les causes des déséquilibres.

[S]eul celui qui sait évaluer les rapports entre monde intérieur et monde extérieur est, dans chaque cas individuel, à même de dire comment l’extérieur, le macrocosmique, peut être utilisé pour agir sur le microcosmique. […] En cas de maladie, déterminer le régime d’un homme d’après des lois établies selon des critères purement extérieurs et empruntés aux statistiques ou à la chimie, c’est toujours porter un jugement superficiel. Il y a des raisons tout autres qui sont à l’œuvre. Et donc, nous voyons bien que la connaissance spirituelle doit toujours accompagner et éclairer celle concernant les gens malades et en bonne santé [52].

Pour le père de l’anthroposophie, il est impossible d’analyser correctement un quelconque dysfonctionnement organique en ignorant la nature spirituelle de l’homme et les rythmes qui le relient au cosmos. Pour illustrer ce fait, il se réfère régulièrement à la « crise du septième jour [53] » de la pneumonie, qui coûte la vie à de nombreux malades et ne peut à ses yeux être comprise si l’on n’admet que l’être humain n’est pas seulement constitué d’un corps physique, mais que celui-ci est perpétuellement influencé par la rotation de corps invisibles qui sont en interaction permanente les uns par rapport aux autres [54]. Étant donné que l’apparition et la chute de la fièvre sont intimement liées à la rencontre périodique entre deux composants de notre constitution spirituelle, le corps éthérique et le corps astral, toute expérimentation sur l’organisme à proprement parler serait vaine. De façon générale, une science qui progresserait uniquement sur la base de l’analyse et de l’expérimentation serait infructueuse, et elle ne pourrait sortir de cet état que par une perspective plus large et plus globale de la nature humaine, qui inclurait des vérités psychiques et ésotériques non démontrables par un raisonnement purement mathématique.


En outre, à l’image d’une thérapie sociale, l’anthroposophie diagnostique l’existence d’un état de décalage provisoire entre l’homme moderne et l’ordre de la nature, lequel ne peut être résolu que par un progrès spirituel qu’elle se propose d’accompagner. Dans l’état actuel, l’espèce humaine se trouve perturbée par un état transitoire qu’elle ne réussit pas bien à gérer : partiellement libérés de l’emprise de la nature, les hommes n’ont pas encore atteint le stade spirituel supérieur, celui où émanera d’eux un nouveau rythme qu’ils imposeront au cosmos. Mais avant d’atteindre ce stade ultime, ils souffrent d’un chaos intellectuel et sentimental et seraient parfois tentés de revenir en arrière, d’opérer un « retour à la nature [55] » qui aurait pour conséquence de rendre vaine cette douloureuse émancipation. Or aux yeux de Steiner, il faut au contraire que l’homme aille de l’avant et qu’il apprenne progressivement à « penser de façon rythmique [56] », à prendre en main son progrès spirituel pour parvenir un jour à trouver son propre rythme et à l’insuffler au cosmos.

Dans un lointain futur, l’homme en viendra, de par son évolution intérieure, à insuffler son rythme au monde. De même qu’il y a eu jadis des êtres qui, de par leurs propres rythmes, ont fait se mouvoir le Soleil, la Lune et la Terre, l’homme donnera un jour également son rythme au monde, quand il aura atteint le stade divin. Voilà le sens de son indépendance rythmique [57].

Aussi différentes soient-elles, la rythmologie proposée par Schleich et l’anthroposophie de Steiner partagent toutes deux avec le Zivilisationskritiker Langbehn la volonté de mettre fin au morcellement et à la concurrence des sciences, et considèrent la reconnaissance et l’étude des rythmes comme le retour salvateur à une perspective moins réductrice sur le monde et comme le dépassement d’un matérialisme qui leur apparaît comme la marque de la domination des banquiers et des industriels. Ce dépassement, supposé remettre à l’honneur les valeurs de la bourgeoisie cultivée, se conçoit par ailleurs chez Steiner comme une sorte de thérapie individuelle et sociale dans la mesure où, à l’instar du projet d’éducation esthétique de l’auteur du Rembrandt éducateur, il s’avérera d’après eux bienfaisant à l’égard d’une modernité égarée, qu’il remettra sur la voie d’un progrès jugé moins illusoire.

 Les laboratoires rythmologiques comme centres d’utopies communautaires

Au-delà du travail sur la science et l’idéologie, le concept de rythme se retrouve au centre d’une série de projets d’action indirecte sur la réalité sociale par le biais de la pratique collective de la gymnastique ou de la danse. Nous esquisserons trois de ces « laboratoires rythmologiques » dans l’objectif de faire ressortir leur appartenance à la même « révolte des clercs » par-delà les divergences liées à la définition du concept de rythme.


La cité-jardin de Dresde-Hellerau [58], qui est sans aucun doute un des projets les plus aboutis et les plus élaborés de la Lebensreform puisqu’il réunissait en son sein la réforme foncière, la remise à l’honneur de l’artisanat (qui était supposé agir en profondeur non seulement sur les ouvriers mais aussi sur les possesseurs des meubles produits dans les Deutsche Werkstätte [59]), les bienfaits d’une architecture harmonieuse opposée aux « casernes locatives [60] » (Mietskasernen) de la grande ville et la pratique d’une culture physique bien spécifique, prévoyait, jusqu’en 1914, de souder entre eux ses habitants par la conscience d’une mission commune : faire fructifier le rythme et aider à répandre, avec la rythmique, une découverte jugée « aussi capitale que celle de l’électricité [61] ». Dans le discours prononcé par Wolf Dohrn (1878-1914) lors de l’inauguration de l’institut construit pour Émile Jaques-Dalcroze, celui qui fit venir le père de la gymnastique rythmique en Saxe présente son entreprise comme l’un des grands défis de ce siècle : au sein de cette communauté, le rythme, que le pédagogue suisse, parti de l’élaboration d’une méthode active de l’enseignement du solfège [62], aurait rendu productif pour la formation des individus et la coordination des groupes, doit maintenant être élevé « au rang d’une institution sociale [63] ». À ce titre, il est supposé jouer un rôle central dans la vie de la cité-jardin, et tous les habitants, quels que soient leur âge et leur appartenance sociale, sont appelés à se mettre, par la pratique généralisée de la rythmique, « au service d’une idée [64] », à la répandre et à la faire vivre.


Fasciné par le travail de Dalcroze, qui visait à créer des individus mieux équilibrés et plus performants [65], mais aussi par la théorie de l’économiste Karl Bücher (1847-1930), qui avait vu dans l’organisation rythmique du travail des primitifs un des fondements de la socialisation de l’homme et de son dépassement de l’horror laboris [66], Dohrn conçoit, sans doute plus ou moins consciemment, ce projet comme une manière de réinstaurer le « travail joyeux [67] » des anciens (opposé aux conditions inhumaines de la production industrielle), mais aussi de discipliner les groupes et en définitive de pacifier les rapports sociaux en vue d’éviter l’implosion du corps social alors crainte par une part importante de la bourgeoisie cultivée.


À Hellerau, la volonté de reconquérir le rythme accompagne par ailleurs une ambitieuse reprise du projet wagnérien d’une « œuvre d’art totale [68] » (Gesamtkunstwerk), conçue à la fois comme un aboutissement de l’art, un retour à ses origines, et comme le meilleur des remèdes contre la fragmentation du corps social. Persuadés qu’il n’avait manqué à Richard Wagner (1813-1883) que le rythme pour aboutir à une synthèse satisfaisante, Émile Jaques-Dalcroze et le pionnier de la mise en scène moderne Adolphe Appia (1862-1928) visent par leur travail conjoint à Hellerau, à étendre aux groupes humains les bienfaits de la rythmique sur les individus et à transformer ainsi la communauté de la cité-jardin elle-même en une « œuvre d’art totale », c’est-à-dire une construction harmonieuse, vivante, cohérente, structurée, joyeuse et fraternelle, qui s’imposera naturellement comme le modèle d’une « troisième voie » entre capitalisme et communisme [69]. Dans le cadre des représentations théâtrales de l’Institut, les corps mus rythmiquement et réunis sous la forme d’un chœur parfaitement harmonisé deviennent à la fois la métaphore de la société nouvelle que l’on cherche à bâtir et le lieu de la réalisation de cet idéal. Hiérarchie et coordination (des arts comme des individus) n’y sont plus vécues comme des contraintes, mais concourent à la constitution d’un ensemble organique et joyeux. Paul Claudel (1868-1955), subjugué par la représentation des fêtes scolaires [70] auxquelles ont assisté de nombreux intellectuels européens de l’époque et parfaitement conscient de la dimension sociale du projet, verra dans l’entreprise de Dohrn un véritable « laboratoire d’une humanité nouvelle [71] ».


À la fois élève et adversaire de Dalcroze, Rudolf Bode (1881-1970), fondateur en 1911 d’une école de gymnastique privée à Munich qui essaimera considérablement dans l’entre-deux-guerres [72], partageait avec son maître une certaine volonté d’agir sur le corps social et d’avoir une influence apaisante sur une classe ouvrière jugée dangereuse car trop longtemps soumise à des conditions de travail inhumaines [73]. Mais contrairement aux chœurs rythmiques des fêtes scolaires de Hellerau, les élèves qui s’adonnent à la gymnastique Bode sont supposés ne pas être entraînés à une coordination mécanique de leurs mouvements guidés par la mesure musicale. Fortement influencé par la philosophie de Ludwig Klages, Bode plaide au contraire pour une distinction très nette entre « rythme » et « mesure » (en allemand Takt), concevant cette dernière comme un principe rationnel de morte répétition qui ne doit en aucun cas servir de fondement à l’éducation corporelle de la jeunesse [74]. À partir de cette opposition, il conçoit son rôle de pédagogue comme une lutte contre le fléau de l’ « arythmie », définie comme un déracinement et une perte généralisée d’instinct [75], essentiellement due à un système scolaire trop centré sur l’intellect et à l’influence généralisée de la machine. Le réveil des forces rythmiques est supposé recréer la cohésion nationale et la fierté raciale et mettre fin aux revendications de liberté et d’égalité portées par les sociaux-démocrates [76], et qu’en accord avec Langbehn [77] et Klages [78], il juge parfaitement contre-nature.


Dans la méthode Bode, la musique, en stimulant le rythme vital de chaque individu, doit réunir les masses à un niveau subliminal, tout en préservant la liberté individuelle de chacun. En effet, la masse qui vibre de façon unitaire au gré du rythme résiste d’après lui collectivement aux injonctions métriques venant de l’extérieur ; les forces vitales engourdissent la conscience, l’irrationnel prend le dessus, et chacun se sent emporté avec les autres par la danse du cosmos.

[E]n définitive, tout rythme est un événement de masse. Plus il y a de masse à vibrer dans le rythme, plus la surface de contact avec le rythme cosmique de la vie est grande, et moins il est possible de forcer cet élan de masse à se mettre au service de l’intellect métrique, c’est-à-dire de l’intellect qui mesure [79] […].

Contrairement à ce que l’on a l’habitude d’appeler le « phénomène de masse », ce n’est pas l’uniformisation qui triomphe à l’intérieur d’une telle foule. Plus le nombre de participants est grand, plus il sera, au contraire, facile à chacun de retrouver son propre rythme. Forts de la résistance collective aux forces rationnelles, les élèves bénéficient d’une mystérieuse interaction entre chaque individu et la totalité organique qu’ils forment ensemble. Selon une métaphore chère à la génération néovitaliste, chacun reçoit de cette osmose son individualité propre, de la même façon que les vagues de la mer sont façonnées par la totalité de l’océan. Telle serait d’ailleurs, selon le gymnaste, l’explication de l’importance du chœur dans la tragédie grecque : le nombre impressionnant des choristes lui permettait d’être à la fois « structuré de façon métrique » et « mû par le rythme [80] » ; le frémissement à la fois individuel et collectif des âmes et le réveil des forces irrationnelles en faisaient une magnifique expérience de communion et d’intégration à une totalité organique de rang supérieur.


Enfin, le projet, élaboré par Rudolf Laban [81] (1879-1958) et partiellement réalisé entre 1913 et 1919 dans le cadre de ses cours d’été du Monte Verità à Ascona [82], d’une communauté de travail et de fête [83] témoigne également de la volonté d’agir sur la cohésion sociale et en particulier de pacifier les rapports entre les différents groupes par la pratique de la danse et les bienfaits du rythme. Pour redonner au prolétaires révoltés la volonté de travailler, le danseur suggère en quelque sorte d’inverser le mécanisme décrit par Karl Bücher dans son ouvrage Travail et rythme [84]. Selon l’économiste, le rythme provenait de l’organisation du travail primitif : en libérant l’esprit et l’imagination par l’automatisation des mouvements, celui-ci avait donné naissance, par l’intermédiaire du chant de travail, aux différentes formes de création artistique qui ont progressivement acquis leur indépendance. Laban propose quant à lui de refaire cette évolution mais à rebours, c’est-à-dire d’éduquer l’homme moderne à la danse et au rythme, afin que celui-ci réintègre le quotidien, et en particulier le travail, et que toute la vie de la communauté redevienne pour lui une joyeuse « fête ».

[D]ans la fête, l’individu, le groupe et l’ensemble [de la communauté sont] initiés au rythme fondamental et structurant de la vie culturelle, et ils sont incités et motivés à s’enthousiasmer pour cet ordre. Sous la forme du « sens du danseur », la vibration de la force rythmique et structurante de la fête se transpose sur le rythme quotidien et y provoque la réalisation de l’idéal culturel en tant que discernement, joie de vivre et de travailler [85].

Parallèlement à l’espoir placé dans ce principe inspiré de Bücher, Laban propose de soumettre tous les membres de la communauté à des « jeux de groupes », organisés dans le souci d’inculquer « le sentiment de ce qui est légitime, de la mesure et du respect dans les différentes formes de relations humaines [86] », afin de faciliter la communication entre les personnes et les groupes. Une variante de ces jeux sera constituée par les « combats » : les corps de métiers seront invités à représenter rythmiquement leurs conflits, à confronter leurs revendications, et apprendront ainsi à dépasser, par la danse et l’arbitrage bienveillant du chorégraphe, leurs contradictions et la vision partielle qu’ils ont des choses, pour pouvoir coordonner leurs efforts.


Face à l’échec dénoncé des classes dirigeantes, qui, dans le seul souci de leur propre intérêt, ont mis à mal la cohésion du corps social et laissé se dégrader les conditions de vie et de travail des ouvriers, Rudolf Laban présente donc le danseur comme le seul capable de secourir la société, d’éduquer la classe ouvrière et d’apaiser les conflits de classe. Doué d’un sens remarquable de la mesure et de la synthèse, celui-ci saura éduquer les individus et réorganiser la vie communautaire, de façon à réveiller chez l’homme les forces qui remettront de la structure et de la joie dans son existence et l’aideront à dépasser ses conflits. Il rétablira le lien qui unissait autrefois la fête et le travail, de sorte que ce dernier s’accomplira à nouveau dans la solidarité et procurera à tous plaisir et épanouissement.

 Conclusion

La volonté de faire fusionner les sciences et les individus par la remise à l’honneur du rythme s’inscrivent dans une démarche collective plus ou moins consciente visant, pour ces membres de la bourgeoisie cultivée en proie à des peurs de déclassement, à contester les valeurs de la majorité (matérialisme, utilitarisme, hiérarchie fondée sur la possession de biens matériels) sans pour autant prendre le risque de déstabiliser brutalement un ordre en place offrant d’après eux une résistance salvatrice à la révolution prolétarienne.


Dans ces deux entreprises, le rythme, première victime de toute perspective scientifique concentrée sur le détail, apparaît également comme un instrument universel de cohésion et de coordination applicable non seulement aux sciences et aux arts mais aussi aux individus et aux groupes humains. Placé au centre de toute une série de thérapies visant à dépasser les déséquilibres de l’homme moderne ainsi que l’état de concurrence généralisée entre les sciences, les individus et les groupes sociaux, il apparaît également comme l’instrument d’un leadership non violent destiné à se substituer progressivement aux structures en place.


Le discours médicalisé et largement anti-intellectualiste qui ressort de ces projets courait par sa nature même de nombreux risques : il pouvait à la fois se retourner contre ceux qui l’avaient eux-mêmes lancé, et, compte tenu de l’insuffisance manifeste des moyens d’action choisis et de l’aggravement du décrochage des clercs, nourrir des frustrations susceptibles de justifier un durcissement idéologique et l’adoption de logiques politiquement plus radicales et plus agressives. Comme on le sait, les leaders de la Lebensreform se sont très majoritairement ralliés au national-socialisme dans les années 1930 [87]. Les représentants allemands du « mouvement du rythme » Laban et Bode ont un certain temps fait carrière dans l’État nazi [88]. Et même si la situation de certains tenants de la Lebensphilosophie, en particulier de Ludwig Klages, est plus complexe et continue à faire débat [89], une certaine proximité avec l’idéologie Blut und Boden [90] ne peut être niée.

Notes

[1L’expression „Das Schlagwort der Zeit heißt Rhythmus“ est reprise à : Hedwig Müller / Patricia Stöckemann, „...jeder Mensch ist ein Tänzer“. Ausdruckstanz in Deutschland zwischen 1900 und 1945, Giessen, Anabas, 1993, p. 10 sq.

[2Une bonne vue d’ensemble de ces différentes personnalités et des écoles fondées est donnée par : Hans Brandenburg, Der moderne Tanz, München, Georg Müller, 1921.

[3Cf. Jean-François Braunstein / Évelyne Pewzner, Histoire de la psychologie, Paris, Armand Colin, 2005, p. 91-97.

[4Voir les travaux d’Ernst Meumann (1862-1915), membre de l’école de Wundt, sur l’esthétique du rythme. En particulier : Ernst Meumann, „Untersuchungen zur Psychologie und Ästhetik des Rhythmus“, Philosophische Studien, vol. 10, fasc. 1, 1894.

[5Cf. Georg Bollenbeck, „Weltanschauungsbedarf und Weltanschauungsangebote um 1900. Zum Verhältnis von Reformoptimismus und Kulturpessimismus“, in Kai Buchholz et al., Die Lebensreform. Entwürfe zur Neugestaltung von Leben und Kunst um 1900, vol. 1, Darmstadt, Häuser, 2001, p. 203-207.

[6Sur le concept de vie chez Nietzsche, on peut se référer à la synthèse fort utile de : Robert Josef Kozljanic, „Friedrich Nietzsche : Leben als dionysische Ekstase, Denken als sokratische Kritik, Wollen als Machtvermehrung“, in Lebensphilosophie. Eine Einführung, Stuttgart, Kohlhammer, 2004, p. 85-104.

[7Cf. Philippe Thiébaut, « L’homme fin de siècle en quête de forces vives », in Agnès Takahashi (coord.), Catalogue de l’exposition 1900, Paris, Galeries nationales du Grand Palais, 2001, p. 46-57.

[8Cf. Marc Cluet, Monique Mombert (dir.), ʽMouvements de jeunesse/Jeunes en mouvementʼ, [= Recherches germaniques, hors-série n° 6], Strasbourg, PUS, 2009.

[9Cf. Barbara Besslich, Wege in den ‘Kulturkrieg’. Zivilisationskritik in Deutschland 1890-1914, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 2000.

[10On parle parfois de « mouvement de retour à la nature » ou bien de recherche de « modes d’existence plus proches de la nature ». Pour une interprétation critique de ces projets, voir : Eva Barlösius : Naturgemäße Lebensführung. Zur Geschichte der Lebensreform um die Jahrhundertwende, Frankfurt am Main, Campus, 1997.

[11Pour une vue d’ensemble des différentes ramifications de la Lebensreform, lire : Diethart Kerbs, Jürgen Reulecke et al., Handbuch der deutschen Reformbewegungen 1880–1933, Wuppertal, Hammer, 1998.

[12Cf. Joachim Radkau, Das Zeitalter der Nervosität. Deutschland zwischen Bismarck und Hitler, München, Hanser, 1998.

[13Nous reprenons cette expression à : Marc Cluet, La « libre culture », vol. 1, Lille, Septentrion, 2000, p. 137.

[14Cette idée était reprise de Friedrich Schiller (1759-1805) qui, écœuré par le bain de sang de la Révolution française, considérait que la réconciliation de l’homme avec lui-même devait impérativement constituer le préalable de toute libération politique. Ses Lettres sur l’éducation esthétique tentent de définir les modalités d’une telle évolution. Cf. Friedrich Schiller, Über die ästhetische Erziehung des Menschen in einer Reihe von Briefen, in Schillers Werke. Nationalausgabe, vol. 20, Weimar, Hermann Böhlaus Nachfolger, 1962, p. 309-412.

[15Cf. Michael Kunze, Der Freiheit eine Gasse. Traum und Leben eines deutschen Revolutionärs, München, Kindler, 1990.

[16Pour simplifier : 1) le meurtre des animaux transforme l’homme en brute, ce qui conduit à un état de guerre permanente entre les individus et les groupes sociaux. 2) La consommation de plantes adoucit les affects ; des végétariens seront donc mieux à même de fonder ensemble une société fraternelle. 3) L’homme n’étant à l’origine pas carnivore, la nourriture végétarienne améliorera sa santé ; des hommes sains seront mieux à même de construire une société saine. Cf. Wolfgang R. Krabbe, „Die Lebensreformbewegung“, in Kai Buchholz et al., op. cit., vol. 1, p. 26.

[17Sur la réforme foncière et l’influence des idées de Henry George (1839-1897) et Adolf Damaschke (1865-1935) sur le « mouvement des colonies », lire : Elisabeth Meyer-Renschhausen et Hartwig Berger, „Bodenreform“, in Diethart Kerbs, Jürgen Reulecke et al., op. cit., p. 265-276.

[18Chiffre tiré de la page internet de la colonie horticole Eden, qui connaît une renaissance depuis la réunification allemande. Voir : http://www.eden-eg.de/chronik.htm (consulté le 20/6/2012).

[19Cf. Marc Cluet, La « libre culture », op. cit., vol. 1, p. 167-205.

[20Sur la permanence de cette analogie dans les discours sur la danse de la première moitié du XXe siècle, lire : Inge Baxmann, Mythos : Gemeinschaft. Körper- und Tanzkulturen in der Moderne, München, Fink, 2000.

[21Pour une présentation synthétique du courant, se référer à : Karl Albert, Lebensphilosophie. Von den Anfängen bis zu ihrer Kritik bei Lukács, Freiburg im Breisgau, Alber, 1995.

[22Cf. ibid., p. 179-181.

[23Cf. Georg Bollenbeck, „Weltanschauungsbedarf und Weltanschauungsangebote um 1900“, art. cit., p. 203.

[24Cf. Ludwig Klages, La nature du rythme. Pour comprendre la philosophie vitaliste allemande (Traduction et présentation de Olivier Hanse), Paris, L’Harmattan, 2004.

[25Cf. Olivier Hanse, À l’école du rythme… Utopies communautaires allemandes autour de 1900, Saint-Étienne, PUSE, 2011, p. 223-227.

[26„[L]eib und Seele [sind] untrennbar zusammengehörige Pole der Lebenszelle (...), in die von außen her der Geist, einem Keil vergleichbar, sich einschiebt, mit dem Bestreben, sie untereinander zu entzweien, also den Leib zu entseelen, die Seele zu entleiben und dergestalt endlich alles ihm irgend erreichbare Leben zu ertöten.“ Ludwig Klages, Der Geist als Widersacher der Seele, in Sämtliche Werke (Ernst Frauchinger et al. éd.), vol. 1 [Philosophie I-II], Bonn, Bouvier, 1981, p. 7. Pour une présentation critique de l’œuvre de Klages, lire : Thomas Rohkrämer, „Ludwig Klages und die Suche nach einem neuen Glauben“, Hestia 22, 2004/07, p. 163-177.

[27Cette perspective d’ « histoire sociale des idées » a été réclamée et minutieusement justifiée par : Klaus Vondung, „Probleme einer Sozialgeschichte der Ideen“, in idem et al., Das wilhelminische Bildungsbürgertum. Zur Sozialgeschichte seiner Ideen, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1976, p. 5-19. La présente contribution s’intègre dans la direction de travail sociocritique définie par cet ouvrage.

[28Cf. ibid., p. 25 sq. Malgré sa volonté de se démarquer de cette classe, la bohème, qui en est le plus souvent issue et partage avec elle de nombreuses valeurs, peut largement lui être apparentée.

[29Lire à ce sujet le chapitre „Der Streit um den ʽKulturwert der Technikʼ“, dans Thomas Rohkrämer, Eine andere Moderne, Paderborn, Schöningh, 1999, p. 56-71.

[30Sur le déploiement de stratégies de repyramidage et tentatives, au sein de la Lebensreform, d’imposer un leadership des clercs, lire par exemple : Marc Cluet, « Cité-jardin et idées ʽréactionnaires-progressistesʼ », in Barbara Koehn et al., La Révolution conservatrice et les élites intellectuelles, Rennes, PUR, 2003, p. 177-199.

[31Cf. Ulrich Linse, „Die Jugendkulturbewegung“, in Klaus Vondung et al., op. cit., p. 119-123.

[32Cf. Joachim Radkau, Das Zeitalter der Nervosität, op. cit.

[33Cf. Marc Cluet, La « libre culture », op. cit., vol. 1, p. 167 sq.

[34Cf. Georg Bollenbeck, Tradition, Avantgarde, Reaktion, Frankfurt am Main, Fischer, 1999.

[35Cf. Johannes Heinßen, „Kulturkritik zwischen Historismus und Moderne : Julius Langbehns Rembrandt als Erzieher“, in Werner Bergmann et al., Antisemitische Geschichtsbilder, Essen, Klartext, 2009, p. 121-138.

[36Cf. August Julius Langbehn, Rembrandt als Erzieher, Leipzig, Hirschfeld, 1900, p. 62 sq.

[37Cf. ibid., p. 62.

[38„Diese Menschen sitzen sämtlich wie die Raupe auf einem Blatte, jeder glaubt, seines sei das Beste, und um den Baum bekümmern sie sich nicht.“ Ibid., p. 60.

[39Cf. ibid., p. 70.

[40„Das vorige Jahrhundert, in seinem Idealismus, sah die Welt in seiner Vogelperspektive an ; dieses, in seinem Spezialismus, sieht sie aus der Froschperspektive an ; hoffentlich wird das nächste, in seinem Individualismus, sie aus der für den Menschen einzig berechtigten, nämlich aus der menschlichen Perspektive ansehen. […] Die Deutschen hatten ihr […] naives Zeitalter ; sie haben dann ihr wissenschaftliches oder bewusstes Zeitalter gehabt ; und sie werden dann ihr künstlerisches oder naiv-bewusstes Zeitalter haben. Das letztere krönt erst ihre Bildung. Es liegt demnach im eigenen Interesse dieses Volkes, sich in den beiden vorbereitenden Bildungsstadien nicht länger aufhalten zu lassen, als unbedingt nötig ist ; auf die mittelalterliche oder Ritterzeit ist die neuere oder Professorenzeit gefolgt ; jetzt wird die neueste oder Menschenzeit kommen. Der heutige Deutsche hat sich demnach zwischen ʽMenschʼ und ʽProfessorʼ zu entscheiden.“ Ibid., p. 69 sq.

[41Pour une présentation synthétique des principales prises de position de ce porte-parole de tout un courant réactionnaire, lire : Hildegard Chatellier, « Julius Langbehn : un réactionnaire à la mode en 1890 », in Louis Dupeux et al., La Révolution conservatrice dans l’Allemagne de Weimar, Paris, Kimé, 1992, p. 115-128.

[42La notion de « réaction progressiste », opposée aux tendances plus chauvines et plus agressives de la « révolution conservatrice », est introduite par l’ouvrage de Richard Hamann et Jost Hermand, Stilkunst um 1900, Frankfurt am Main, Fischer, 1977, p. 24-176.

[43August Julius Langbehn, op. cit., p. 154 sq.

[44Carl Ludwig Schleich, Von der Seele, Berlin, Fischer, 1910.

[45„Ich bekenne mich [...] ohne Zögern zu einer Art moderner Astrologie, wonach das Organische sehr wohl seine Bildungsvariationen dem kosmischen Geschehen verdanken kann und wonach die Form der Lebewesen, die Entwicklung neuer Arten vielmehr buchstäblich im Himmel beschlossen wird als auf unserem winzigen Planeten.“ Ibid., p. 21.

[46Ibid., p. 21. Notons que l’opposition entre théorie du rythme cosmique et théorie darwinienne de l’évolution est également présente chez Klages, pour qui Darwin ne fait que projeter sur la nature l’état de concurrence généralisée de l’économie capitaliste. Sur la position du graphologue par rapport au darwinisme, lire : Olivier Hanse, „Mechanische / automatische Bewegung vs. lebendige Bewegung“, Hestia 21, 2002/03, p. 145-161.

[47Ibid., p. 13 sq.

[48Ibid., p. 34 sq.

[49„Wehe dem Künstler, der nicht rhythmisch verschmilzt mit dem Objekt, das er darstellen will : er muss ein Stein sein können, wenn er ihn malt, eine Blume, wenn er ihres Kelches Schönheit herbeizaubern will, ein Kind, wenn er sprechen will, wie Kinder sprechen, und eine Wolke, wenn er mit ihr seine Lieder wandern lassen will.“ Ibid., p. 33 sq.

[50Pour une présentation critique et synthétique de son œuvre, lire : Heiner Ullrich, Rudolf Steiner. Leben und Lehre, München, C. H. Beck, 2011.

[51Sur les rapports entre l’anthroposophie et Paracelse, lire : Rudolf Steiner, Die Mystik im Aufgange des neuzeitlichen Geisteslebens und ihr Verhältnis zur modernen Weltanschauung, Dornach, Rudolf Steiner Verlag, 1993.

[52„[N]ur der, welcher weiß, wie das Äußere zum Innern in einem Verhältnis steht, kann im einzelnen Falle sagen, wie das Äußere, das Makrokosmische, für das Mikrokosmische verwendet werden kann. [...] Es ist immer ein oberflächliches Urteil, wenn im Erkrankungsfalle die Diät eines Menschen bestimmt werden soll nach rein äußerlich gefundenen Gesetzen, die der Statistik oder der Chemie entnommen worden sind. Da handelt es sich um ganz andere Gründe. So sehen wir wie hier das geistige Erkennen dasjenige durchströmen und durchglühen muss, was mit dem gesunden und kranken Menschen zu tun hat.“ Rudolf Steiner, Geisteswissenschaftliche Menschenkunde, Dornach, Rudolf Steiner- Nachlaßverwaltung, 1989, p. 108.

[53Cf. ibid., p. 156.

[54Pour une description des différents corps définis par Steiner et leurs incidences rythmiques, lire : ibid., p. 148-160.

[55Cf. ibid., p. 198.

[56Ibid., p. 202.

[57„Der Mensch soll in einer urfernen Zukunft dazu kommen, aus seiner inneren Entwicklung heraus seinen Rhythmus wieder in die Welt hinauslaufen zu lassen. Wie es einst Wesen gegeben hat, die aus ihren Rhythmen heraus Sonne, Mond und Erde sich haben bewegen lassen, so wird auch der Mensch einmal seinen Rhythmus in die Welt hinausversetzen, wenn er die göttliche Stufe erreicht hat. Das ist der Sinn des Unabhängigwerdens im Rhythmus.“ Ibid., p. 158.

[58Cf. Thomas Nitschke, Die Geschichte der Gartenstadt Hellerau, Dresden, Hellerau-Verlag, 2009.

[59Cf. Reinhard Delau, Lothar Sprenger, Schmidts Erben. Die Deutschen Werkstätten Hellerau, Dresden, Verlag der Kunst, 1998.

[60Sur le discours anti-urbain des années 1850-1914 en Allemagne et le discours sur la dégénérescence dans les grandes villes, lire : Isabelle Mity, Le Gouffre de l’espèce humaine, Thèse Lille III, 2005.

[61Cf. Wolf Dohrn, „Die Aufgabe der Bildungsanstalt Jaques-Dalcroze“, Der Rhythmus. Ein Jahrbuch 1, 1911 p. 1.

[62Sur l’histoire de la méthode Dalcroze avant le séjour à Hellerau, lire : Alfred Berchtold, Émile Jaques-Dalcroze et son temps, Lausanne, L’Âge d’Homme, 2000, p. 74-103.

[63„Mit Recht schrieb mir Herr Jaques-Dalcroze in seinem ersten Brief aus Genf : „In Berlin oder einer anderen Großstadt werde ich nur eine Musikschule machen, in Hellerau den Rhythmus zur Höhe einer sozialen Institution erheben können.“ Wolf Dohrn, art. cit., p. 14.

[64Ibid., p. 11.

[65« Tous les exercices de la méthode de rythmique ont pour but de renforcer la faculté de se concentrer, d’habituer le corps à se tenir, pour ainsi dire, sous pression en attendant les ordres des zones supérieures […]. De plus, ces exercices tendent à créer des habitudes motrices plus nombreuses et des réflexes nouveaux, à obtenir pour le minimum d’effort le maximum d’effet, à tranquilliser ainsi l’esprit, à renforcer la volonté et à instaurer l’ordre et la clarté dans l’organisme. » Émile Jaques-Dalcroze, Le rythme, la musique et l’éducation, Lausanne, Foetisch, 1965, p. 59.

[66Cf. Karl Bücher, Arbeit und Rhythmus, Leipzig / Berlin, Teubner, 1909. Pour une présentation synthétique de cette théorie et de son influence au XXe siècle, lire : Inge Baxmann, « Utopies du travail heureux au début du XXe siècle », Agôn [En ligne], Dossiers, N° 3 : Utopies de la scène, scènes de l’utopie, Horizons politiques de la communauté, mis à jour le : 25/10/2011, URL : http://agon.ens-lyon.fr/index.php?id=1368.

[67Cf. Olivier Hanse, « À la recherche du ʽtravail joyeuxʼ : la théorie de Karl Bücher et son influence sur le mouvement du rythme », Le Texte et l’idée 24, 2009, p. 69-89.

[68Sur l’influence considérable de ce projet au XXe siècle, lire : Timothée Picard, L’Art total. Grandeur et misère d’une utopie (autour de Wagner), Rennes, PUR, 2006.

[69Cf. Gernot Giertz, « La gymnastique rythmique au service du théâtre », in Richard C. Beacham et al., Adolphe Appia ou le renouveau de l’esthétique théâtrale, Lausanne, Payot, 1992, p. 49-67.

[70Pour une présentation détaillée des Schulfeste et de leur impact sur l’intelligentsia européenne de l’époque, lire : Michael Fasshauer, Das Phänomen Hellerau. Die Geschichte der Gartenstadt, Dresden, Hellerau-Verlag, 1997, p. 172-186.

[71Sur cette citation de Paul Claudel, voir : Konrad Lorenz, „Der Traum vom ʽLaboratoire d’une humanite nouvelleʼ“, in Reinhard Ring et al., Hellerau Symposion, Remscheid / Genf, Bundesverband Rhythmische Erziehung, 1993, p. 23-30.

[72Bernd Wedemeyer-Kolwe, Der ʽNeue Menschʼ. Körperkultur im Kaiserreich und in der Weimarer Republik, Wurzburg, Konigshausen & Neumann, 2004, p. 48 sq.

[73Sur la peur de l’ouvrier et l’influence présumée du travail industriel sur son idéologie, lire : Olivier Hanse, À l’école du rythme…, op. cit., p. 109-118.

[74„Die Methode Jaques-Dalcroze hat den prinzipiellen Fehler, dass sie in erster Linie eine mechanische Technik ist, deren Voraussetzung ein gegliederter Körper ist. Aller Rhythmus aber ist eine Funktion der Totalität, zum mindesten der Totalität des menschlichen Körpers.“ Rudolf Bode, Der Rhythmus und seine Bedeutung für die Erziehung, Jena, Eugen Diederichs, 1920, p. 18.

[75„Dass der Entrhythmisierungsprozess weit vorgeschritten ist, dafür sprechen viele Anzeichen wie z.B. der Grad, in welchem die natürlichen Bindungen des Lebens – Rasse, Volk, Stamm, Familie – sich verwischen, die damit verbundenen ethischen Gefühle – Rassenstolz, Nationalstolz, Familienstolz – ihre innere Stärke verlieren, der Internationalismus sich ausdehnt und mit ihm das ganze Heer rationaler Begriffe und wurzelloser Gefühle.“ Rudolf Bode, Rhythmus und Körpererziehung, Jena, Diederichs, 1925, p. 33.

[76Ibid., p. 8.

[77Langbehn voit dans la revendication d’égalité une conséquence du déraciemnement de l’homme moderne. Il propose de prendre comme référence de la politique et de la culture le paysan hollandais (bas-allemand), qui a à la fois les pieds sur terre et se trouve préservé de l’immobilisme par l’influence de l’air marin. Celui-ci, incarné de façon idéale par l’art de Rembrandt, serait capable d’assouplir la trop rigide « symétrie prussienne » en lui insufflant un peu de rythme vivifiant, pour en faire une forme organique capable d’évolution. Cf. August Julius Langbehn, op. cit., p. 154 sq.

[78Klages voyait de surcroît dans la démocratie « la domination illimitée du porte-monnaie » ; elle entraînerait une concurrence généralisée qui aboutirait « soit à la perte soit à l’automatisation de tous. » Ludwig Klages, Der Geist als Widersacher der Seele, op. cit., vol. 2, p. 1204.

[79„[A]ller Rhythmus ist letztlich ein Massenerlebnis. Je mehr Masse im Rhythmus schwingt, umso größer die Berührungsfläche mit dem kosmischen Lebensrhythmus, umso geringer die Möglichkeit, diesen Massenschwung in den Dienst des metrischen, d.h. messenden Intellekts zu zwingen.“ Ibid., p. 31.

[80Rudolf Bode, Ausdrucksgymnastik, München, Beck, 1922, p. 26 sq.

[81Pour une biographie détaillée de ce principal fondateur de la danse expressionniste allemande, se référer à : Evelyn Dörr, Rudolf Laban. Ein Portrait, Norderstedt, Books on Demand, 2005.

[82Cf. Kaj Noschis, Monte Verità. Ascona et le génie du lieu, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2011. Sur Ascona comme « haut-lieu de la danse moderne », se reporter particulièrement aux pages 85-104.

[83Le projet est exposé en détail dans : Rudolf von Laban, „Kultische Bildung im Feste“, Die Tat, opuscule 3, 1920 (12e année), p. 161-168.

[84Cf. Karl Bücher, op. cit.

[85„[I]m Fest [wird] der Einzelne, die Gruppe und die Gesamtheit über den ordnenden Grundrhythmus kulturellen Lebens belehrt und zur Begeisterung für diese Ordnung erregt und bewegt. Die rhythmisch ordnende Kraft des Festes schwingt als tänzerischer Sinn in den Alltagsrhythmus hinüber und erweckt dort als Einsicht, Lebens- und Arbeitsfreude die Erfüllung des Kulturideals.“ Rudolf Laban, Die Welt des Tänzers, op. cit., p. 128 sq.

[86Ibid., p. 164.

[87Cf. Wolfgang R. Krabbe, „ʽDie Weltanschauung der Deutschen Lebensreformbewegung ist der Nationalsozialismusʼ. Zur Gleichschaltung einer Alternativströmung im Dritten Reich.“, Archiv für Kulturgeschichte 71, 1989, p. 431-461.

[88Cf. Laure Guilbert, Danser avec le IIIe Reich, Bruxelles, Éditions Complexe, 2000, en particulier p. 145-154 (sur Rudolf Bode) et p. 171-181 (sur Rudolf Laban).

[89Lire en particulier : Jean-Luc Evard, Signes et insignes de la catastrophe. De la swastika à la Shoah, Paris, Éditions de l’Éclat, 2005 ; ainsi que : Tobias Schneider, „Ideologische Grabenkämpfe. Der Philosoph Ludwig Klages und der Nationalsozialismus“, Vierteljahreshefte für Zeitgeschichte 49, 2001, p. 275-294.

[90Sur le concept de Blutleuchte („lueur du sang“), emprunté à l’étrange Alfred Schuler (1865-1923), qui a largement contribué au culte allemand du svastika, on peut se reporter entre autres à l’extrait suivant : Ludwig Klages, Der Geist als Widersacher der Seele, op. cit., vol. 2, p. 1212-1214. Le rapprochement entre Rudolf Bode et le Reichsbauernführer Walther Darré (1895-1953) dans les années 30, responsable de la politique agraire de l’État hitlérien jusqu’en 1938 et principal inspirateur du courant Blubo, ne pouvait se faire que grâce à une compatibilité idéologique reconnue par les deux hommes.

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