Journée d’études organisée par Marie Formarier et Jean-Claude Schmitt
23 juin 2012 – Paris
Présentation : Cette journée d’études a eu pour objectif de faire dialoguer les diverses disciplines concernées par le rapport entre rythmes et croyances au Moyen-Âge. Ell a accueilli des historiens, des anthropologues, des sociologues, des philologues et des linguistes. Présents dans la langue latine et les langues vernaculaires, dans la rhétorique du sermon, la prière et le chant, dans les attitudes et les gestes, dans les rues et les églises, les rythmes sont partout au Moyen-Âge : comme aujourd’hui, sans doute, mais suivant des modalités probablement différentes, propres à la société médiévale. Qu’ils soient naturels ou acquis au terme d’un apprentissage, les rythmes ponctuent l’espace-temps médiéval ; les étudier, c’est apporter un nouvel éclairage sur les représentations sociales des rapports entre croyances et savoirs, entre savoirs profanes et savoirs religieux, entre science et spiritualité. Plus spécifiquement, en quoi les rythmes font-il partie, au Moyen-Âge, des techniques du « faire-croire » ? Dans ce cadre, quelles sont les modalités de leur transmission, de leur production de leur diffusion et de leur circulation ? En quoi ces modalités sont-elles infléchies par les mutations politiques, sociales, culturelles et linguistiques que connaît le Moyen-Âge ? En quoi sont-elles imprégnées de l’héritage antique ? Les rythmes sont-ils toujours du côté des ceux qui savent « faire croire » ? Il nous faut préciser les contours du concept même de rythme : peut-on envisager une définition commune à toutes les époques historiques, la nôtre comprise ? Ou une définition qui vaille pour tous les champs envisagés ? Quelle place et quelle fonction attribuer à d’autres concepts liés (et pourtant bien distincts), comme la mesure, la régularité, la périodicité, la linéarité, la répétition ? Peut-on simplement appréhender les rythmes médiévaux comme une « manière de fluer » ?
14h30-15h00 : P. Bourgain (École Nationale des Chartes) : « Le rythme de la prose au Moyen Âge central, ou les amours du nombre et de l’émotion »
Résumé : Le Moyen Âge conçoit le rythme comme nombre et l’applique le plus souvent au domaine de l’ouïe, plus précisément de la voix. Dans ce contexte le nombre est perçu dès qu’il y a répétition, de mots ou de sons marquant la longueur des syntagmes, de structure syntaxique ou sonore. Les figures rhétoriques qui induisent un parallélisme sont les plus fécondes, et permettent la construction de rythmes à deux ou trois temps, qui organisent la phrase de façon presque géométrique. Ces rythmes recherchés, qui ont l’art de créer une attente et de la combler, apparaissent dans les moments d’émotion, pour souligner et mettre en valeur les moments forts de la pensée.