Rythme des langues et acquisition du langage

Franck Ramus
Article publié le 21 juillet 2010
Pour citer cet article : Franck Ramus , « Rythme des langues et acquisition du langage  », Rhuthmos, 21 juillet 2010 [en ligne]. https://www.rhuthmos.eu/spip.php?article138

Franck Ramus a soutenu en novembre 1999 à l’EHESS une thèse, sous la direction de Jacques Mehler, intitulée : « Rythme des langues et acquisition du langage »




Résumé : Dans le cadre de la théorie de l’initialisation phonologique, nous avons étudié l’hypothèse selon laquelle le nourrisson est sensible dès la naissance au rythme de la parole, cette sensibilité constituant l’une des toutes premières étapes de l’acquisition du langage. Pour ce faire, nous avons effectué des mesures acoustico-phonétiques sur huit langues, montrant qu’une segmentation de la parole en consonnes/voyelles permet de déterminer certaines propriétés rythmiques des langues. Nous en avons déduit un modèle computationnel de la perception du rythme, et nous avons effectué des simulations prédisant quelles langues peuvent être distinguées sur la base de leurs propriétés rythmiques. Afin de tester ces prédictions, nous avons effectué une série d’expériences de discrimination de langues sur des sujets adultes, qui ont montré l’adéquation du modèle avec les données empiriques. Pour s’assurer que les sujets n’utilisaient pas d’autres indices que le rythme, nous avons mis au point une technique basée sur la resynthèse de parole, permettant de dégrader les stimuli pour n’en préserver que les propriétés rythmiques. Grâce à cette technique, nous avons pu montrer que des nouveau-nés sont capables de distinguer le néerlandais du japonais, sur la base de leurs seules différences rythmiques. Enfin, nous nous sommes demandés si cette sensibilité pour le rythme était spécifique au langage, et donc à l’espèce humaine. Dans cette perspective, nous présentons quelques expériences-pilotes de discrimination de langues par des singes. Nous concluons que le nourrisson possède dès la naissance une capacité à analyser le rythme de la parole, et nous faisons de plus l’hypothèse que cette capacité peut lui être utile dans l’apprentissage de la structure des syllabes de sa langue maternelle.


Mots-clefs : Acquisition du langage, perception de la parole, initialisation phonologique, prosodie, rythme, discrimination de langues.


Abstract : Within the phonological bootstrapping framework, we have investigated the hypothesis that from birth, infants are sensitive to speech rhythm, and that this sensitivity is one of the very first steps of language acquisition. We made acoustic-phonetic measurements in eight languages, showing that a consonant/vowel segmentation of speech can allow determining certain rhythmic properties of languages. This led us to a computational model of rhythm perception, and to simulations predicting which languages can be distinguished on the basis of their rhythmic properties. In order to test these predictions, we ran a series of language discrimination experiments on adult subjects, which showed consistency between the model and the empirical data. To ensure that subjects could not use any other cue than rhythm, we designed a technique based on speech resynthesis allowing to degrade stimuli and preserve their rhythmic properties exclusively. This technique allowed us to show that newborns can discriminate between Dutch and Japanese utterances, on the sole basis of their rhythmic differences. Finally, we questioned the speech-specificity of this sensitivity to rhythm, by running pilot experiments showing language discrimination by monkeys. We conclude that newborn infants have a capacity to process speech rhythm, and we hypothesize that this capacity may help them learning the syllable structure of their native language.


Keywords : Language acquisition, speech perception, phonological bootstrapping, prosody, rhythm, language discrimination.


Pour une bibliographie voir ici, section « sciences cognitives ».

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