Ce texte a déjà paru dans Actes Sémiotiques n°117 | 2014. Nous remercions Maria Chalevelaki de nous avoir autorisé à le reproduire ici.
Ce n’est pas par hasard si le vêtement constitue l’un des sujets de prédilection des sémioticiens. Que ce soit dans sa forme visuelle [1], dans sa forme verbale [2], ou dans sa relation avec le corps [3], le vêtement et les pratiques vestimentaires sont des matrices de signification très riches aussi bien d’un point de vue théorique que du point de vue de la sémiotique de la mode.
Dans cet article, nous allons traiter du vêtement de mode, et plus précisément du vêtement de haute couture [4]. La haute couture est synonyme d’hyperbole [5]. Tout paraît excessif, tout paraît s’y permettre. Les collections de haute couture sont un excellent laboratoire où l’enjeu semble être de dépasser le déjà-connu, le déjà-perçu et de proposer des spectacles extravagants, innovants et hors du commun qui provoquent des effets d’étonnement et de surprise chez le spectateur.
La question de l’hyperbole, synonyme de la haute couture (si ce n’est pas trop, ce n’est pas de la haute couture), présente un intérêt sémiotique quant à la présence [6]. Celle-ci est définie comme le résultat de l’excès. Il s’agit de faire présence dans un monde qui a du sens : pour que le sujet soit touché, quelque chose doit déraper par rapport à la norme. La phorie se place à côté de l’au-delà qui nous submerge. Pour faire sens, il doit y avoir un dépassement du sens commun. Dans le contexte de la haute couture, si le vêtement porté, ou notamment si toute la collection en général, ne suscite pas un trop sémantique ou perceptif, ça ne fait pas sens.
Néanmoins, afin d’être saisi, le sens doit avoir une bonne forme, une Gestalt, une norme. La question qui en résulte est de savoir comment sont assurées les conditions d’une bonne lisibilité-visibilité au sein de la haute couture. Comment la signification est-elle articulée dans un contexte où les excès, voire les débordements de sens, constituent la norme ?
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