Ce texte est l’introduction d’un dossier remarquable de la Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, n° 136, 2014, p. 13-183, entièrement disponible ici. Nous remercions Sylvia Chiffoleau de nous avoir autorisé à le reproduire sur RHUTHMOS.
Les contributions de ce numéro se proposent d’explorer quelques-unes des multiples facettes du temps. Lorsqu’on aborde la question du temps, il est convenu de rappeler la difficulté à appréhender celui-ci, en s’appuyant sur le célèbre aphorisme de Saint Augustin [1]. Le défi intellectuel a cependant été relevé par la plupart des civilisations, du moins peut-on l’affirmer pour celles dont les écrits en ont laissé témoignage. La philosophie antique puis toutes ses héritières se sont ainsi interrogées sur l’essence du temps, certains philosophes faisant de celui-ci une donnée objective du monde créé, quand d’autres, de plus en plus nombreux en Occident à la suite de Kant, y voyaient une forme a priori de la connaissance. Dès le moment de leur éclosion, les sciences sociales ont à leur tour cherché à saisir les origines et les assises du temps. Dans une contribution fondatrice, la sociologie de l’école durkheimienne a situé ces origines dans le mythe et le sacré, la conception religieuse du temps ayant notamment « présidé à l’élaboration des calendriers » (Hubert et Mauss, 1929). Les rites, réalisés à des dates symboliques, permettent de faire le lien entre temps sacré et temps profane. Pour les sociologues, contrairement à de nombreux philosophes, le temps n’est toutefois pas une forme a priori, innée, de la connaissance, mais il a un caractère social ; c’est une catégorie fondamentale dépendante de la pensée collective, donc de la société (Sue, 1994 : 47).
Si les premiers sociologues qui se sont penchés sur la question du temps avaient une perception unitaire de celui-ci (Durkheim parlait de « temps total »), s’est imposée ensuite l’idée d’une pluralité des temps sociaux, chaque groupe, chaque activité sociale ayant en effet tendance « à se mouvoir dans un temps qui lui est propre » (Gurvitch, 1969 : 325). L’anthropologie a également largement contribué à relativiser la perception du temps comme donnée « objective » et universelle. La période durant laquelle on a fait usage des grands paradigmes comme principes explicatifs du monde social n’a pas été propice à l’étude du temps, que ce soit comme objet ou comme outil ; leur reflux a permis de reprendre la réflexion engagée antérieurement. Les sociologues ont alors poursuivi l’étude d’un temps socialement construit dont l’apparente évidence est en fait le fruit d’un long apprentissage depuis les commencements de l’humanité (Elias, 1996). Ainsi construit, le temps, partiellement rigidifié dans des calendriers et des emplois du temps, organise la vie des groupes sociaux et instaure des frontières entre ceux-ci, tout comme il permet de séparer les différentes sphères sociales, sacrée et profane, publique et privée, et les différents types d’activité (Zerubavel, 1981). L’approche par le temps comme élément structurant de l’organisation sociale a été particulièrement féconde pour aborder l’étude du temps de travail, notamment industriel, duquel s’est distingué de plus en plus clairement, dans le monde occidental moderne, le temps de loisir. De leur côté les historiens se sont attachés à faire l’histoire du temps et de ses instruments de mesure, montres, horloges ou calendriers, en privilégiant là encore l’espace occidental (Landes, 1987 ; Dohrn-van Rossum, 1997 ; Maiello, 1996). Le temps et son étude connaissent désormais une nouvelle actualité avec le brouillage de plus en plus manifeste entre un temps de travail lui-même déstructuré et un temps de loisir dont l’extension est inégalement répartie entre les différents secteurs de la société. La promotion des nouvelles technologies ne fait qu’ajouter à l’accélération générale, à l’emballement des rythmes de vie, et le sentiment dominant désormais est que l’on se trouve face à un temps détraqué, devenu un problème et même un obstacle à la réalisation du projet d’autonomie et d’émancipation de la modernité (Rosa, 2010).
L’évocation rapide de ces quelques jalons ne rend bien sûr pas justice à la profusion et à la diversité des recherches sur le temps. Qu’il soit pris comme objet en soi, ou comme prisme d’analyse, ou encore saisi dans la façon dont l’abordent et le traitent les différentes disciplines scientifiques, il a fait au cours des deux dernières décennies l’objet de nombreux travaux et se trouve au centre des interrogations de plusieurs revues spécialisées [2]. La place des espaces non-occidentaux dans ces réflexions sur le temps demeure toutefois assez modeste. La collection d’articles présentée ici, qui fait suite à celle rassemblée dans un numéro de la revue Temporalités en 2012 [3], voudrait contribuer, avec quelques ouvrages et travaux récents (Wishnitzer 2010/1 et 2010/2 ; Georgeon et Hitzel, 2011 ; Barak, 2013 ; Blake, 2013 ; Ögle 2013), à l’expérience nouvelle visant à soumettre le monde arabe et musulman, ou tout au moins une partie de celui-ci, à ces questionnements sur le temps.
Si le temps et les calendriers puisent leur origine dans le sacré, ils ne sont pas confinés pour autant au seul périmètre du religieux ; ils sont alimentés et structurés par les phénomènes sociaux tout au long du processus historique propre à chaque société. Tout comme l’Europe a puisé dans les héritages antiques pour élaborer ses conceptions et ses computs de temps (Hubert, 1999 : 9), le monde né de la prédication du prophète Muhammad s’est adossé aux empires qui l’ont précédé. Or ceux-ci comptent parmi les plus anciens de l’histoire, et sont précisément ceux qui ont inventé les calendriers, les modalités et les premiers objets de mesure du temps. En imposant un nouveau calendrier et une conception du temps basée sur la discontinuité, la succession des instants qui sont autant de signes, de manifestations de l’intervention de Dieu venant briser le dahr, la durée accablante telle que la concevaient les Arabes nomades de la péninsule (Massignon, 1962, Gardet, 1975), l’islam a introduit une représentation et des scansions du temps particulières. Celles-ci ont eu un impact considérable sur l’ensemble des territoires conquis, dans la mesure où l’islam est aussi culture et civilisation qui imprègnent la diversité ethnique et religieuse de la région. Mais les diverses composantes ethniques et religieuses ont conservé à côté de ce temps dominant nombre de leurs repères culturels, et notamment les calendriers si intimement liés au sacré et à l’identité. En observant la question du temps dans la région, il apparaît donc évident que celui-ci ne peut être réduit à un seul « temps de l’islam », mais qu’il s’inscrit dans la pluralité des computs et des représentations, et dans un système complexe de circulation de modèles, d’emprunts, mais aussi de conflits. Le temps est en effet également un instrument et un enjeu de pouvoir, et les diverses autorités politiques et religieuses n’ont eu de cesse de chercher à imposer leurs propres conceptions et mesures du temps, au moins comme modèle dominant. C’est aussi ce qu’entreprit la colonisation, ou de manière plus diffuse le processus de modernisation inspiré de l’Occident. Les Européens étaient en effet convaincus que la maîtrise d’un temps compté, rationnel, était un indicateur de la modernité et devait être répandue par l’œuvre de civilisation. Mais l’introduction du temps de l’horloge et du calendrier grégorien apparaît finalement comme une modalité nouvelle qui vient s’ajouter à bien d’autres déjà en place. Aujourd’hui, la définition physique d’un temps universel, l’usage dominant du calendrier grégorien ou encore la conquête fulgurante d’un rythme nouveau né des réseaux numériques procurent le sentiment d’une uniformité de plus en plus poussée. Celle-ci n’est cependant pas parvenue à réduire totalement les multiples conceptions du temps construites dans la très longue durée et dans des contextes culturels divers. La pluralité des usages sociaux du temps demeure ainsi repérable tant entre les diverses catégories sociales qu’entre les différentes sociétés. En témoignent, dans la région qui nous occupe, de façon anecdotique mais révélatrice, la double date inscrite sur la première page des journaux, selon le calendrier de l’hégire et selon le calendrier grégorien, le nom des mois étant en outre emprunté au syriaque au Moyen-Orient (kânûn al-thânî, shubât…) et à l’héritage latin au Maghreb (yanayîr, febrayîr…), ou encore la fréquence de l’expression Insh’allah, qui renvoie à la prudence face à l’anticipation, tant qu’une action n’est pas pleinement accomplie, ou enfin la légèreté souvent déconcertante à l’égard de la ponctualité. Ces signes de la disjonction entre les normes dominantes et les pratiques ne doivent cependant pas être considérés comme de simples survivances. Ils reflètent au contraire la vitalité des dynamiques sociales qui tout au long de l’histoire ont construit, fait vivre et évoluer la pluralité temporelle, et continuent à le faire encore aujourd’hui. Ce sont quelques-unes de ces dynamiques sociales que les contributions de ce numéro se proposent d’explorer.
En s’inscrivant dans un temps long qui relie les séries « histoire » et « monde contemporain » alternant habituellement dans les livraisons de la revue, ce numéro ouvrait une fenêtre temporelle très vaste, allant de la fin de l’Antiquité au monde contemporain. Dans les limites imposées par le volume de cette publication, et compte tenu du fait que les questionnements sur et par le temps restent peu usités dans le milieu académique de la recherche sur le monde arabe et musulman, les contributions réunies ici n’offrent qu’une incursion fragmentaire et discontinue dans l’histoire du temps, des calendriers et des rythmes sociaux. Par ailleurs, à l’exception d’un article sur le Maroc, toutes les contributions portent sur l’espace du Moyen-Orient, où la densité des strates et références temporelles fait écho au pluralisme ethnique et religieux. En l’absence de contributions sur les autres espaces de la région, notamment les mondes iranien et turc, la question des circulations et des emprunts se trouve en bonne partie éludée ; elle mériterait une investigation propre. Enfin, sur une telle échelle chronologique, il n’était pas non plus question d’aborder toutes les dimensions du temps. Aussi ne trouvera-t-on pas ici de réflexion sur la dimension ontologique du temps, sur la façon dont la philosophie en culture musulmane a pu l’aborder, ou encore sur la construction des systèmes chronologiques et l’écriture de l’histoire. C’est à partir d’une interrogation plus concrète sur les techniques de mesure du temps, les temporalités et les rythmes sociaux qu’elles induisent qu’a été bâti l’appel à contributions de ce numéro. Autrement dit, on a privilégié l’étude du temps concret (waqt) sur le temps métaphysique (zamân). Dans cette perspective, la question des calendriers est centrale. Systèmes fondamentaux de structuration du temps, au départ inspirés de la nature mais amplement travaillés par l’intelligence humaine, ils se sont imposés dans des sociétés de plus en plus différenciées afin d’organiser et de coordonner les diverses activités sociales.
S’orienter dans le temps : un univers complexe de références calendaires
La profusion des calendriers est l’une des causes, mais non la seule, de la pluralité des conceptions et des repères temporels dans l’espace musulman et méditerranéen. La contribution de Leila Abu-Shams et Araceli González-Vázquez explore le cas du Maroc où apparaît de façon évidente la pluralité des références et des usages temporels, et sa résilience en dépit des injonctions d’uniformisation. La perspective historique adoptée permet de suivre la façon dont de nouveaux instruments de mesure du temps ont été introduits, processus qui ne présente guère de différence avec celui qui a eu lieu au même moment dans l’Empire ottoman (Hitzel, 2011), dont le Maroc ne faisait pourtant pas partie. La circulation des modèles et des techniques suit les circuits commerciaux favorables. On retrouve à la cour marocaine le même engouement pour les objets, montres et horloges, que dans le sérail ottoman, sans que la présence de ceux-ci n’entraîne de changement immédiat et sensible dans les usages. Ce n’est qu’après la Première Guerre mondiale, tout comme en Europe finalement, que les garde-temps se généralisent, mais le temps continue par ailleurs d’être exprimé par bien d’autres vecteurs, linguistiques, sonores ou corporels. La juxtaposition des différents calendriers est également bien ancrée et chacun des trois calendriers en usage au Maroc (hégirien, grégorien et agraire/julien) permet de gérer certains secteurs de la vie sociale et de déterminer certains rituels et fêtes, dont l’ensemble rythme la vie quotidienne. La pluralité des calendriers, leur impact sur la vie sociale et religieuse, et les stratégies de pouvoir qui président à leur élaboration et à leurs usages, sont plus visibles encore à Jérusalem en raison de l’incroyable densité religieuse de la ville. L’analyse du calendrier édité annuellement par le patriarcat arménien de Jérusalem par Sossie Andézian permet de mesurer la profondeur historique des calendriers auxquels se réfèrent les groupes sociaux, religieux et ethniques de la région, la permanence de la référence identitaire qu’ils constituent et l’importance de chacun d’entre eux comme « lieu de mémoire » (Le Goff, 2002 : 19). Dans une Jérusalem régie par le Statu quo qui organise l’usage des lieux saints, où se croisent les trois monothéismes et de multiples Églises, et où le calendrier julien est encore pleinement d’actualité, ce qui constitue une particularité forte, le calendrier arménien reflète d’abord cette diversité, tendant même à la figer telle qu’elle existait à la fin de l’Empire ottoman, tout en servant d’outil permettant à la communauté arménienne de s’inscrire dans le temps « authentique » de l’Église originelle de Jérusalem. Mais il est aussi inscrit dans l’histoire et en suit donc les méandres, reflétant notamment les évolutions sociales et démographiques de la communauté arménienne mais aussi une situation géopolitique locale qui tend de plus en plus à distendre les liens qui permettaient aux divers temps liturgiques d’interférer, au moins partiellement lors des fêtes.
Ces deux exemples, en deux points éloignés de la région, s’ils sont sans doute insuffisants à refléter l’extraordinaire profusion calendaire qu’on y observe, révèlent cependant des similitudes et présentent déjà nombre de spécificités de l’histoire, particulièrement riche et dense, des calendriers dans l’espace du monde arabe et musulman. Cette question a suscité une bibliographie assez conséquente mais dispersée. Il n’est pas question d’en présenter ici une synthèse, un exercice qui devrait faire appel à des considérations très techniques et réclamerait un volume entier, mais seulement de poser quelques jalons afin de fixer des repères qui manquent parfois même aux personnes familières de cet espace, de faire apparaître les principales caractéristiques des relations, de complémentarité ou de conflit, nées autour des ancrages calendaires, et de dégager quelques-uns des courants de circulation des modèles.
C’est bien évidemment en observant les phénomènes et les rythmes naturels du cosmos que les premières civilisations du Proche-Orient, en Mésopotamie et en Égypte, ont créé les premiers calendriers afin d’organiser l’activité agricole sur une cadence annuelle et d’inscrire les fêtes, notamment religieuses, dans la régularité. La course du soleil détermine ainsi la notion de jour, que celui-ci commence au lever du soleil (à Babylone et en Perse) ou à son coucher (dans la tradition juive et à Rome, plus tard en islam). Les cycles de la lune définissent le mois, qui correspond à la durée séparant deux nouvelles lunes successives. L’année tropique s’inscrit quant à elle dans la course du soleil et se déploie dans l’intervalle qui sépare deux équinoxes de printemps. Mais ni la lunaison moyenne (29,53058885 jours pour être précis), ni l’année tropique (environ 365,25 jours) ne comprennent un nombre entier de jours, ce qui impose aux astronomes et computistes de se livrer à de savants calculs pour approcher au mieux les cycles naturels. Pour des raisons pratiques liées aux exigences de l’agriculture, la plupart des calendriers anciens étaient luni-solaires, c’est-à-dire qu’ils s’efforçaient de respecter tout à la fois le cycle des saisons et celui de la lune. Le calendrier égyptien avait la particularité de s’accorder aux fluctuations du Nil. Le lever héliaque de l’étoile Sirius (Sothis), qui correspondait à peu près au début de la crue, marquait le commencement de l’année. Celle-ci était divisée en trois saisons (inondation, germination/hiver, moisson/été) de quatre mois de 30 jours chacun, auxquels s’ajoutaient 5 jours épagomènes (en surplus) afin de s’accorder à l’année tropique. Mais un décalage demeurait entre ces 365 jours et l’année tropique réelle, de quelques heures supplémentaires, entraînant un recul progressif d’un jour tous les quatre ans, et donc à terme le brouillage des saisons.
L’exemple du calendrier égyptien, pourtant considéré comme l’un des plus astucieux, en témoigne : la tendance des calendriers est de se détraquer, surtout lors des périodes de trouble au cours desquelles les autorités négligent de faire appliquer les systèmes de correction. À l’inverse, certains pouvoirs dominants ont pu chercher un surcroît de légitimité en perfectionnant leur calendrier et en l’adaptant au mieux aux nécessités de la vie sociale. Ainsi, le calendrier romain avait souffert de nombreuses lacunes dans l’établissement des mois intercalaires nécessaires pour l’adapter à l’année tropique [4]. En 46 av. J.C, Jules César entreprit de le réformer. Alternant des mois de 30 et 31 jours, l’année comptait désormais 365 jours et une année bissextile tous les quatre ans comportait un jour supplémentaire pour compenser le quart de jour perdu chaque année. Un peu plus tardivement, en 30 av. JC., la réforme julienne a été adaptée au calendrier égyptien. Les mois restaient à 30 jours et conservaient leurs noms égyptiens mais ils étaient mis en correspondance avec les dates du calendrier julien (ainsi le premier mois de l’année, Thot, s’étend du 29 août au 27 septembre julien). En outre, une année bissextile fut introduite avec l’ajout, tous les quatre ans, d’un sixième jour aux cinq jours épagomènes. Ce calendrier julien, dit « alexandrin », a ensuite été adopté par les Coptes. Appelé depuis lors calendrier copte, il a rythmé la vie religieuse et liturgique de cette communauté mais également, agrémenté de proverbes et de notations météorologiques, toute la vie agraire égyptienne. Il a été officiellement supprimé en 1874 mais continue jusqu’à aujourd’hui à scander les travaux des champs. Le calendrier julien, dans sa forme originelle ou copte, imposé dans tout l’empire, est ainsi demeuré dominant dans le bassin méditerranéen [5] et en Europe jusqu’à la réforme grégorienne de 1582. Celle-ci a entraîné la disjonction, au fur et à mesure de l’adoption du nouveau calendrier, entre les modes de repère temporel en usage dans les pays de l’Europe et ceux en usage dans le bassin oriental et le Sud de la Méditerranée, restés attachés au calendrier julien. La difficulté rencontrée par Rome à faire adopter le calendrier grégorien par les Églises uniates à partir du XVIe siècle est d’ailleurs révélatrice des résistances face aux changements de référence calendaire (Heyberger, 1994). Pourtant, suite au mouvement de fond qui a assuré la domination du calendrier grégorien, introduit par les multiples canaux de la modernisation à partir du XIXe siècle, la plupart des Églises orthodoxes de la région, à l’exception de celles de Jérusalem [6], ont adopté à leur tour, entre les années 1930 et 1960, le calendrier grégorien. Au Moyen-Orient, seule la date des Pâques orthodoxes demeure arrimée au calendrier julien et diverge donc de la date des Pâques catholiques.
Plus encore que la façon d’établir le comput, qui a surtout un usage pratique, le point de départ du calendrier peut apparaître comme un marqueur culturel et d’identité fort. Dans le monde ancien, l’usage le plus répandu était de commencer le système de datation à partir du début de chaque règne ou de chaque dynastie. Mais certaines sociétés, certaines communautés marquent ce commencement à partir d’un événement fondateur de leur histoire. Ainsi, si les Coptes, les Arméniens et les Berbères utilisent la même trame du calendrier julien, ils l’inscrivent dans des ères différentes. Les Coptes font débuter leur calendrier le 29 août 284, première année de règne de l’empereur Dioclétien, qui inaugure pour eux l’ère des martyrs en raison des persécutions de chrétiens ordonnées par cet empereur. Les Arméniens ont conservé deux ères, l’une à caractère plutôt symbolique, l’ère originelle arménienne qui fait remonter le début de la chronologie en 2492 avant l’ère chrétienne, date arbitraire correspondant à la fondation présumée du peuple arménien par Haïk, lui-même personnage mi-historique mi-mythique, et l’autre inscrite dans une perspective plus pratique, la grande ère arménienne qui débute le 11 juillet 552 du calendrier julien. Enfin, par une initiative récente de militants amazighs, les Berbères font désormais débuter leur calendrier en 950 avant J.C., quand un roi berbère, Chachnaq Ier, fut intronisé pharaon d’Égypte et fonda la XXIIe dynastie (Iherkouken, 2004).
Un événement aussi important que l’apparition de l’islam ne pouvait manquer de susciter la création d’une nouvelle ère. C’est la date du début de l’hégire, l’exil vers Médine, fixée au 16 juillet 622, qui marque le début du nouveau calendrier musulman. Établie sous ‘Umar en 637, cette nouvelle ère a été rapidement mise en usage dans les procédures administratives de la nouvelle puissance partie à la conquête du monde. Un papyrus égyptien, écrit en grec et en arabe et daté de l’an 22, ainsi qu’un graffiti trouvé dans le nord-ouest de l’Arabie et daté de l’an 24, attestent de l’usage précoce du calendrier de l’hégire (Micheau, 2012 : 199-200). En Perse, l’ère de Yazdgard, qui avait débuté en 632 lors de l’accession au trône du dernier souverain sassanide et qui était en usage au moment de la conquête musulmane, a servi pendant un quart de siècle à dater les monnaies musulmanes, avant de céder la place à l’ère de l’hégire (Drouin, 1889). Le souci de s’inscrire dans ce nouveau calendrier semble témoigner du développement précoce d’une conscience historique musulmane (Borrut, 2011 : 32).
Outre l’établissement d’une ère nouvelle, qui met fin aux datations relatives liées à tel ou tel événement (année de l’éléphant, année du pèlerinage de l’adieu…) [7], l’islam a initié d’autres changements fondamentaux dans le domaine du temps et de sa mesure. Le nouveau calendrier renonce en effet à l’intercalation de mois supplémentaires, pourtant en usage dans l’Arabie préislamique, comme dans de nombreux calendriers antiques, afin d’adapter le cycle lunaire aux saisons. Purement lunaire, le calendrier musulman dérive donc au fil des saisons. Mais si les dates des grandes célébrations du culte (ramadan, pèlerinage…) s’en trouvent ainsi mobiles, la prière quotidienne obéit quant à elle à des impératifs temporels précis liés à la course du soleil. La nécessité de connaître l’heure pour désigner le moment des prières, comme celle de déterminer la direction de La Mecque pour orienter le mur de qibla, ou encore les compétences nécessaires pour détecter l’apparition du croissant de lune, marquant le début des mois, ont donné lieu à l’épanouissement de l’astronomie en terre d’islam et notamment de la science pratique de la mesure du temps (‘ilm al-mîqât) (King, 2003, 2004 et 2005).
Sans doute volontairement révolutionnaire, le calendrier musulman ne doit cependant pas être vu comme une frontière rigide qui séparerait les conceptions du temps des musulmans de celles des autres communautés. S’il impose des rythmes spécifiques aux croyants, il compose aussi avec les computs hérités des siècles antérieurs. Les autorités musulmanes ont d’ailleurs mobilisé certains de ceux-ci pour compenser les faiblesses du calendrier lunaire. L’astronomie et l’astrologie, qui étaient si actives dans la Bagdad abbasside, préfèrent le cycle solaire pour effectuer leurs calculs. Aussi ont-elles emprunté, à côté du système de comput hérité de Ptolémée, le calendrier solaire perse (ou zoroastrien), inscrit alors dans l’ère de Yazdgard, qui, à l’imitation du calendrier égyptien, proposait une « année vague » de douze mois de 30 jours avec cinq jours épagomènes ajoutés en fin d’année. Il était en effet plus facile d’inscrire les mouvements des astres dans ces cellules régulières de 30 jours. C’est dans ce cadre, réformé au XIe siècle pour rattraper l’inévitable décalage avec l’année tropique en introduisant un subtil système d’années bissextiles, et désormais nommé « ère Jalâlî », qu’ont été produites les nombreuses tables astronomiques (zîj) [8] à partir desquelles ont été élaborés localement, durant des siècles, les différents calendriers, les almanachs et les tableaux de concordances de date (Blake, 2013).
La fiscalité, dont une bonne part est issue de la production agricole obéissant à des cycles saisonniers, réclame aussi la régularité. Dès l’époque omeyyade est institué en Égypte un calendrier hybride, associant la nouvelle ère musulmane lunaire avec les mois coptes inscrits dans l’année solaire, afin de déterminer les dates de perception des impôts liés au cycle agraire et à l’inondation (Râgib, 2007). À l’époque abbasside, c’est le calendrier perse/zoroastrien qui a servi ensuite de base pour établir un calendrier de la levée des taxes (kharâjî). Au XVIIe siècle, l’Empire ottoman met à son tour en usage un calendrier, dit mâlî (financier), pour gérer les questions financières, commerciales puis douanières, qui s’inscrivait dans l’ère musulmane mais suivait le calendrier solaire julien, avec la dénomination des mois syriaques, et qui commençait au 1er mars. En 1840, dans le contexte des Tanzîmât, ce calendrier est étendu à toutes les affaires de l’État et de l’administration, dans un souci d’efficacité et de rationalité (Georgeon, 2011 : 245).
C’est dans le domaine agricole que la nécessité d’adopter un calendrier solaire, en harmonie avec les saisons, se fait le plus sentir. Les trames des calendriers julien, copte ou perse (ère de Yazdgard) ont servi de base aux différents calendriers agraires du bassin méditerranéen et du Proche-Orient. Dans le cadre de l’année solaire, en puisant dans la riche tradition arabe des anwâ‘, ces observations des mansions lunaires et du lever et du coucher des étoiles qui permettaient de faire des projections météorologiques, et en s’appuyant sur les tables astronomiques (zîj), les astronomes arabes produisaient des calendriers qui égrenaient, souvent avec l’aide de proverbes, des renseignements et conseils agricoles et fournissaient des données astronomiques, météorologiques et médico-hygiéniques (Renaud 1948 ; Pellat, 1979 et 1986). Si seules quelques versions savantes de ces calendriers sont connues pour avoir été publiées et traduites, il semblerait qu’il y ait un assez grand nombre de manuscrits de ce type, dont des copies, présentes dans les zaouïas algériennes par exemple, pouvaient servir aux lettrés à transmettre aux fellahs une conception scripturaire du temps (Colonna, 1995 : 179). Ces calendriers témoignent de l’intensité et de la complexité de la circulation des modèles depuis l’Antiquité. Ils empruntent à l’astrologie grecque et contiennent par ailleurs de nombreuses références aux fêtes et aux saints chrétiens. Ils s’adaptaient par ailleurs aux spécificités régionales. Un calendrier yéménite du XIIIe siècle, par exemple, utilise les mois syriaques et himyarites mais puise nombre de ses références agraires en Égypte et donne une place importante au calendrier nautique basé sur la date de nawrûz, le nouvel an du calendrier perse (Varisco, 1994). Ces calendriers forment ainsi une stratigraphie de références savantes et populaires, d’emprunts étrangers et d’expériences purement locales. Largement sortis de l’usage savant, ils connaissaient encore au cœur du XXe siècle – et de façon plus discrète aujourd’hui – sous des formes plus ou moins élaborées, une diffusion populaire qui avait été favorisée au XIXe siècle par l’introduction de l’imprimerie. Leur usage pratique se perpétue d’ailleurs et la façon dont ils continuent à irriguer les représentations du temps et à scander les travaux agraires en milieu rural mériterait d’être plus amplement documentée par des travaux ethnographiques.
L’Empire ottoman du XIXe siècle, multiconfessionnel et pluriethnique, assis sur tous les empires antérieurs, a sans doute atteint un sommet dans la pluralité des références temporelles. Aussi s’est-il attaché à gérer cette complexité, avant de chercher finalement à la réduire. Si la liberté était laissée aux différentes communautés de faire usage de leur propre comput, il fallait néanmoins pouvoir coordonner les activités collectives. Là encore l’imprimerie a joué un rôle important. Dès le début des années 1830, les presses gouvernementales de Boulak, en Égypte, éditaient chaque année un almanach qui donnait, outre de nombreuses notations astronomiques et pratiques, la correspondance des dates des calendriers musulman, copte, julien et grégorien (Lane, 1978 : 222). Ce type d’almanachs, devenus plus riches en informations que les calendriers agraires antérieurs après avoir emprunté le modèle des almanachs européens apparus à l’époque moderne avec l’imprimerie, s’est répandu dans l’Empire ottoman à la fin du XIXe siècle (Türesay, 2011). Le calendrier de l’Église arménienne étudié ici par Sossie Andézian s’inscrit dans cette filiation. Dans le souci de coordonner les relations économiques avec l’Empire ottoman, des tables et des outils de conversion ont en outre été produits en Europe, comme en témoignent un almanach comparant les dates des calendriers grégorien, julien, musulman et hébraïque, édité à Marseille « à l’usage des Orientaux et des peuples en relation avec l’Orient » (Ventre, 1873), ou encore la méthode de calcul « facile, prompte à employer et d’une exactitude mathématique » pour réaliser les conversions de dates calendaires, proposé par un ancien sous-directeur de l’Observatoire impérial de Constantinople et édité à Paris dans les années 1890 (Lacoine, 1891).
Au moment même où foisonnent les almanachs, qui à travers les tables de conversions donnent toute la mesure de la pluralité calendaire en usage dans la région, les autorités ottomanes, pleinement intégrées par ailleurs dans une époque privilégiant la rationalité scientifique, ont cherché à homogénéiser cette situation. Si à cette époque l’Europe mène une offensive économique qui a pour conséquence de diffuser l’heure et le calendrier européens à travers diverses institutions (l’école, la presse, les chemins de fer…), la volonté de standardisation émane tout autant des autorités ottomanes, puis jeunes-turques. C’est aussi dans ce contexte, en 1874, donc avant l’occupation anglaise, que le calendrier copte avait été officiellement supprimé en Égypte [9]. Tenté par l’idée de faire adopter le calendrier grégorien, le sultan Abdülhamid II a dû toutefois composer avec des autorités religieuses réticentes (Georgeon, 2011 : 251). Ce n’est qu’en 1917 qu’une réforme du calendrier mâlî aboutit. Grâce à la suppression de treize jours qui constituaient la différence entre calendriers julien (dit « vieux style ») et grégorien (dit « nouveau style »), le calendrier administratif ottoman se trouvait désormais arrimé à ce dernier. Les millésimes restaient toutefois ceux de l’hégire, et l’année commençait toujours au 1er mars. En 1925, la jeune République turque adopte pleinement le calendrier grégorien, le calendrier de l’hégire étant réservé aux seules « affaires privées » (Georgeon, 2011 : 273). En Perse, pays qui à lui seul possède une histoire des calendriers foisonnante (de Blois, 1996), la rationalisation menée à la même époque a cherché à s’inscrire dans cette histoire longue. Face à la nécessité d’avoir un calendrier solaire à côté du calendrier lunaire musulman, la Perse pouvait puiser dans son propre patrimoine puisque le calendrier perse/zoroastrien [10], devenu Jalâlî après sa réforme au XIe siècle, était solaire. Supplanté par le calendrier turco-mongol des Douze animaux et surtout par le calendrier de l’hégire à partir du XVIe siècle, le calendrier solaire a été réintroduit en 1925 ; dans cette version modernisée, il est devenu le calendrier officiel de l’Iran. Si l’année est solaire, le nom des mois est emprunté aux calendriers iraniens anciens, l’année commence à nawrûz, date fixée par la réforme Jalâlî à l’équinoxe de printemps, et il commence avec l’hégire (mais n’ayant pas la même structure que le calendrier lunaire musulman, les millésimes diffèrent). Un modèle de synthèse et de subtilité.
Ainsi, en dépit du mouvement d’uniformisation qui a donné, depuis le XIXe siècle, un poids prépondérant au calendrier grégorien, de nombreux autres computs demeurent bien vivants dans la région. Dans chaque pays cohabitent les calendriers religieux et le calendrier national ou étatique, qui chacun décline ses propres fêtes et commémorations. Cette situation, simplifiée par rapport à celle qui prévalait dans l’Empire ottoman, est toujours susceptible d’évolution. La probabilité d’un retour à la date julienne de Pâques pour les catholiques de Jérusalem est un signe de ces changements possibles. En islam, la question de l’abandon du principe de l’observation de la lune au profit d’un calendrier basé sur le calcul scientifique et astronomique est en débat depuis longtemps, même s’il ne semble pas prêt d’être tranché (Moosa, 1998 ; Ahmed, 1998). Les progrès de la technologie, les découvertes de la physique sont toujours susceptibles de faire bouger les frontières. Les computistes qui se sont succédés pendant des siècles pour dresser de savantes tables de conversion de dates seraient bien surpris de découvrir qu’aujourd’hui elles s’obtiennent d’un simple clic de souris.
Pratiques et usages : des temporalités multiples
Si les calendriers sont des systèmes de structuration du temps fondamentaux, qui ont un impact profond sur la vie liturgique, religieuse et festive des différentes communautés, ils ne sont pas les seuls dispositifs aptes à fabriquer du temps. Le temps est aussi élaboré par les pratiques sociales elles-mêmes. C’est aux mécanismes par lesquels les processus sociaux construisent leurs propres cadres temporels, et à la façon dont les individus et les groupes vivent ces configurations temporelles particulières liées aux différentes activités dans lesquelles ils sont engagés, qu’on réservera ici le terme de temporalités (Dubar, 2004). On l’a vu, les sociétés de l’Orient méditerranéen vivaient, et continuent de vivre aujourd’hui, bien qu’à un moindre degré, en circulant entre plusieurs calendriers. Chacun d’entre eux représente un marqueur d’identité fort pour la communauté qui s’y reconnaît et en fait usage. Les temporalités sociales sont quant à elles plus largement partagées et permettent de saisir les sociétés dans leur diversité, mais de manière plus transversale. Une histoire des calendriers dans cette région peut s’appuyer sur une littérature assez vaste, bien que dispersée ; la question des temporalités est en revanche peu traitée. Si l’on emprunte au Larousse sa définition du mot temporalité, on lit qu’il s’agit « du caractère de ce qui se déroule dans le temps ». Le temps est donc partout, implicitement intégré à tout phénomène social ; il apparaît en somme comme une évidence. Aussi pour mettre au jour les temporalités, pour les faire surgir des pratiques sociales, convient-il de les interroger explicitement. C’est la démarche adoptée par une autre série de contributions de ce numéro. Là encore il ne s’agit que de trois coups de sonde, à trois moments très espacés de l’histoire de la région, mais qui permettent de tester le caractère fertile d’une démarche qui fait entre autres surgir de l’histoire sociale.
Les deux premières contributions qui se penchent sur la façon dont les processus sociaux façonnent leurs propres temporalités nous amènent à deux moments cruciaux de l’histoire de la région, les premiers siècles de l’islam d’une part, et le XIXe siècle des Tanzîmât et de la modernisation d’autre part. On peut y lire la manière dont, aux côtés du temps liturgique et religieux, s’imposent d’autres temporalités dominantes, dont les principales naissent de la pratique officielle imposée par les pouvoirs politiques (administration, lever des impôts…) et par les autorités sociales et religieuses les plus puissantes (travail, justice, enseignement…). Les moments de ruptures, de bouleversement, ou même de réformes, sont donc aussi des moments de mutations temporelles, parce qu’ils secouent ces autorités, en font émerger de nouvelles, et suscitent la construction de nouvelles temporalités. Mathieu Tillier décrit ainsi la façon dont l’islam à ses débuts a mis en place un appareil judiciaire qui a fait naître des emplois du temps spécifiques, tant pour les juges que pour les plaideurs, ainsi qu’une organisation temporelle des procès et des audiences, qui néanmoins pouvaient parfois s’éterniser. De façon plus abstraite, la pratique judiciaire a fabriqué à son tour des concepts fondés sur des valeurs temporelles, tels que délai, présomption et prescription, afin d’alimenter sa réflexion et son efficacité. Bien des siècles plus tard, c’est un enseignement renouvelé, celui dispensé notamment par les missionnaires jésuites de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, étudié ici par Chantal Verdeil, qui impulse de nouvelles temporalités, inscrites dans un cycle annuel inédit, l’année scolaire, et dans des horaires comptés par l’horloge. Toutefois ces nouvelles pratiques, inspirées mais non imposées par l’Occident, ne viennent pas gommer la pluralité temporelle propre à l’Empire ottoman, elles viennent s’y rajouter et, si elles restent marquées du sceau du catholicisme, elles savent s’adapter au public pluriconfessionnel des institutions missionnaires.
En observant le temps à partir des pratiques sociales, on peut repérer non seulement la pluralité des références temporelles, qu’on avait déjà perçue à travers la question des calendriers, mais aussi leur fécondité, leur plasticité, ainsi que les compétences mobilisées par les individus et les groupes pour s’y adapter, en jouer, se couler de l’une à l’autre ou en esquiver certaines. On est bien loin d’un temps figé, essentialisé et enfermé dans les rets d’une culture, comme a pu le concevoir l’orientalisme. Façonnées par des usages inscrits dans des cultures et des trajectoires historiques particulières, les temporalités ne sont pas pour autant totalement spécifiques à une culture, à un lieu ou à une société. Le temps de la justice médiévale en islam, et les concepts de nature temporelle auxquels elle a donné naissance, ne sont pas radicalement différents de ce qui avait cours dans la justice occidentale à la même époque. De même, la nuit mamelouke racontée par M. Eychenne révèle un usage de ce moment qui rencontre bien des échos avec la situation européenne. Aussi s’avère-t-il difficile de réduire le temps à « un temps de l’islam », ou plus spécifiquement encore à un « temps kabyle » (Bourdieu, 1963). Les dimensions culturelles y ont certes leur part, importante, mais les représentations du temps et les configurations formées par les diverses temporalités produites par les actions humaines ne forment pas pour autant un système culturel cohérent et stable au sein de chaque groupe. S’inspirant tout à la fois de l’universalité des contraintes naturelles du cosmos, des rythmes biologiques du corps, et de rythmes sociaux propres, elles empruntent au fil du temps de nouveaux modèles d’origines diverses, incorporent de nouveaux outils, et parmi eux les objets de mesure du temps. L’usage de ces derniers n’induit d’ailleurs pas que l’usager emprunte par là même les conceptions du temps qui sont à l’origine de leur élaboration (Birth, 2012). Les temporalités sont des modèles hybrides en évolution constante.
L’antériorité des travaux sur le temps dans l’espace occidental a permis de mettre au jour et de confronter les temporalités produites dans les principaux registres du monde social (temps de travail, temps de loisir, temps de la jeunesse…et bien d’autres encore) alors que pour les autres régions du monde, le temps est d’abord référé à la culture, et donc essentiellement à la dimension religieuse (Ricœur, 1975). Sans doute conviendrait-il désormais d’élargir la perspective pour explorer le temps dans sa diversité à l’intérieur même des sociétés et des cultures et d’observer les phénomènes temporels sur le temps long. Certes la nature des sources dans le monde arabe et musulman peut rendre l’entreprise malaisée, surtout pour les périodes anciennes, mais les contributions de Mathieu Tillier et de Mathieu Eychenne sur la période médiévale montrent qu’elle n’est en rien impossible. C’est toutefois sur la période ouverte par le XIXe siècle qu’une série de travaux récents a fait porter l’analyse. Les temporalités construites dans des contextes particuliers sont en effet transformées par la modernisation, que celle-ci soit initiée de l’intérieur, comme dans l’Empire ottoman étudié ici par Chantal Verdeil, ou imposée par le colonisateur, comme en Algérie par exemple (Carlier, 1998). La région du monde arabe et musulman n’a pas connu la révolution industrielle qui en Europe et aux États-Unis a si profondément transformé les rapports au temps. À partir du XIXe siècle, des mutations temporelles se sont toutefois opérées, par des canaux plus diffus, sans pour autant aboutir à une imitation exacte des usages temporels occidentaux, en dépit de la généralisation des garde-temps, des montres d’hier aux téléphones portables d’aujourd’hui. Là encore, on aboutit à des configurations particulières et inédites. Derrière une façade d’uniformisation, la modernité n’a pas gommé la pluralité des références temporelles et des temporalités. C’est ce que montre Vanessa Ögle (2013) en comparant la façon dont a été accueilli le temps standardisé sur le méridien de Greenwich (Greenwich Mean Time- GMT) dans la Bombay coloniale et le Beyrouth de la Nahda. Bombay rejette l’heure standardisée, considérée comme une entreprise coloniale illégitime qui confisque le temps local alors en usage (l’heure établie selon la longitude du lieu), quand Beyrouth entend adopter le principe de l’organisation rationnelle du temps comme outil de progrès susceptible de cohabiter avec les autres modalités du temps en usage dans l’Empire ottoman finissant [11], puis dans le nouveau Liban. Dans les deux cas, la question du temps est lue au prisme des situations propres à chaque ville et reformulée dans les idiomes locaux.
En Égypte, l’introduction de nouveaux moyens de transport et de communication au XIXe siècle a certes entraîné une certaine uniformisation du temps, notamment là encore l’usage partiel de l’heure GMT, sans pour autant réduire totalement les conceptions et les comptages antérieurs du temps, ni impliquer toutes les pratiques sociales dans ce nouveau rythme. Si au départ la bourgeoisie moderniste égyptienne a vu, comme à Beyrouth, les avantages qu’une société – considérée alors par ses élites comme « arriérée » – pouvaient tirer de la ponctualité empruntée au colonisateur, un débat sur le bien-fondé de la valeur nouvelle accordée au temps est ensuite apparu, avant que les Égyptiens ne finissent par s’opposer à ce nouveau rythme temporel, parfois violemment en s’attaquant aux technologies symboles de la vitesse, et à revendiquer une forme de résistance par la langueur et le retard (Barak, 2013). Comme en Égypte, bien des sociétés du Sud demeurent attachées à certaines formes de leur temps vécu, qui échappent à l’accélération induite par les outils de la modernité. Par bien des aspects, elles demeurent des sociétés polychrones, telles qu’elles ont été décrites par Edward T. Hall, qui non seulement savent respecter une part de lenteur, mais chez lesquelles « l’accent est mis sur l’engagement des individus et l’accomplissement du contrat, plutôt que sur l’adhésion à un horaire préétabli » (Hall, 1984 : 58). Dans l’espace arabe et musulman, ce primat de l’accomplissement de l’action sur le temps que cela peut prendre trouve à s’exprimer dans le fameux Insh’allah, mais peut-être aussi dans l’alternance grammaticale du verbe arabe entre accompli et inaccompli, et finalement dans de multiples pratiques du quotidien qui peuvent paraître aux autres un peu obscures.
C’est ce temps « élastique », ces compétences temporelles malléables et adaptables, acquises dans la fréquentation séculaire de la pluralité, que Maud Moussi rencontre encore aujourd’hui dans son analyse des processus de patrimonialisation au moment où ceux-ci croisent les exigences du développement urbain. Cette convergence, où se rencontrent préservation du passé et souci du futur, étudiée à travers les exemples de trois villes secondaires libanaises, met au jour de nombreuses dimensions du temps. Celle de l’histoire d’abord, ou plutôt des régimes d’historicité dans lesquels s’inscrivent les processus patrimoniaux propres à chacune de ces villes, celle de la conservation ensuite, qui doit préserver le patrimoine bâti sans le figer ni le dénaturer, celle enfin du quotidien de la gestion urbaine, projeté vers l’avenir mais dépendant des obstacles, des accidents et des atermoiements du présent. La démarche adoptée par Maud Moussi mobilise le temps à la fois comme objet et comme prisme d’analyse ; elle permet de mettre en évidence la façon dont, observées à l’échelle de la ville, les pratiques sociales, qu’elles soient patrimoniales ou urbaines, et les temporalités qu’elles produisent, organisent à leur tour des rythmes spécifiques.
Les rythmes urbains : « ce que le jour doit à la nuit » [12]
Les scansions du temps par les calendriers et par les autres objets de mesure du temps, les multiples temporalités nées des pratiques sociales modèlent finalement des rythmes sociaux, articulés aux rythmes naturels qu’ils peuvent suivre ou dont ils cherchent au contraire à se détacher. C’est entre autres en observant ces rythmes, à diverses échelles, que l’on peut percevoir la façon dont les différentes temporalités sont choisies, appropriées, vécues par les individus et par les groupes.
Depuis la démarche de rythmanalyse proposée par Henri Lefebvre, qui voit dans le rapport entre la vie quotidienne et les rythmes s’exprimer les « modalités concrètes du temps social » (Lefebvre et Régulier, 1985 : 191), la question du rythme a été appropriée par les diverses disciplines et a fait l’objet de nombreuses réflexions et expérimentations [13]. Les contributions de Maud Moussi et de Marie Bonte et Louis Le Douarin explorent sur le terrain du Liban les propositions avancées par la géographie ; il s’agit notamment de convoquer le sensible pour appréhender « la façon dont un phénomène donné organise ou désorganise spatialement et temporellement un espace » (Gérardot, 2012). En histoire médiévale de l’Occident, Jean-Claude Schmitt, remarquant que la question des rythmes sociaux embrasse tous les aspects de la vie en société, a proposé un programme de grande ampleur visant à restituer pour cette période les rythmes fondamentaux, naturels, liturgiques et sociaux, de façon à saisir non seulement la vie quotidienne des individus et des groupes, mais aussi l’écho que les changements de rythme renvoient des grandes transformations des sociétés [14].
Le seul exemple de ces deux disciplines permet de montrer le champ des possibles ouvert par ce type d’interrogation. L’appliquer sur l’espace du monde arabe et musulman, de façon transdisciplinaire et sur le long terme, permettrait de contribuer à le faire connaître sous des aspects inexplorés, à la fois dans son universalité et dans ses spécificités. Dans le foisonnement des thématiques possibles, les contributions qui dans ce numéro s’inscrivent dans la problématique du rythme ont choisi d’observer en milieu urbain les pratiques sociales et les rythmes qu’elles induisent à l’échelle de la nuit, cette moitié d’un des rythmes naturels les plus structurants, le cycle nycthéméral qui embrasse l’alternance du jour et de la nuit.
Mathieu Eychenne propose une plongée au cœur de la nuit mamelouke à Damas et au Caire. C’est là encore en interrogeant explicitement les sources au prisme du temps, une démarche encore balbutiante dans les études portant sur l’aire arabe et musulmane, qu’il est possible de redonner vie à ce moment dont l’obscurité dissimule une intense activité sociale. On y repère la même « marche » que dans le Beyrouth contemporain, ce moment de transition où le début de la nuit est encore baigné des activités du jour. Par ailleurs, Mathieu Eychenne nuance certaines représentations communes de la nuit au Moyen-Âge. Ainsi, la ville ne s’enferme pas hermétiquement derrière ses portes closes mais demeure poreuse, du moins jusqu’à la fin du XVe siècle, et les autorités y maintiennent un certain contrôle grâce à des corps de métiers spécialisés. De même, le basculement dans la nuit ne signifie pas l’entrée dans un monde exclusif de l’insécurité, même si les activités marginales, illicites ou violentes s’y déploient plus volontiers que le jour dans certains espaces qui peuvent s’avérer dangereux. Mais en général, du moins dans le centre des villes, les citadins peuvent vaquer à leurs occupations, entre sociabilités, plaisirs de bouche, fêtes religieuses et célébrations orchestrées par le pouvoir, ou encore jouir de la sérénité de la prière nocturne. En dévoilant la face nocturne du rythme nycthéméral, le travail de Mathieu Eychenne vient enrichir la connaissance de la vie quotidienne au Moyen-Âge, comme y invite le programme proposé par Jean-Claude Schmitt.
Franchissant à nouveau quelques siècles, Marie Bonte et Louis Le Douarin nous conduisent dans le Beyrouth d’aujourd’hui au moment de la tombée du jour. Dans cette « marche » temporelle se croisent les rythmes urbains du jour et de la nuit, ceux où dominent encore les obligations du travail, de l’école, des transports, et ceux où s’ébauche déjà un ralentissement propice aux loisirs et aux sociabilités. Ce temps de transition est perçu de longueur variable selon les individus et le moment de la semaine, mais il tend globalement à s’étendre avec la multiplication des activités de loisir. Au cours de cette période, s’installent une géographie nocturne à l’échelle de la ville (certains quartiers se vident, d’autre se remplissent) et une scénographie de la fête à l’échelle du quartier ou de la rue, à l’usage des noctambules. Cette géographie révèle aussi des clivages persistants. En dépit du réinvestissement du centre-ville comme espace de loisir mixte, nombreux sont les beyrouthins qui dans leurs circulations nocturnes maintiennent la frontière symbolique de la ligne verte, la rue de Damas, héritée de la guerre civile. L’écho de celle-ci continue de se répercuter dans les usages de l’espace et les rythmes de la ville.
Les contributions de ce numéro, portant sur un sujet aussi vaste que le temps, ne présentent certes que des incursions partielles, discontinues dans le cheminement de l’histoire, mais elles permettent de lever le voile sur certains aspects méconnus de la vie sociale et religieuse au Maghreb et au Moyen-Orient. Elles montrent également comment la thématique du temps peut être investie par les différentes disciplines et comment ce questionnement peut s’inscrire sur le long terme, permettant notamment d’articuler histoires médiévale et contemporaine. Bien des pistes restent à explorer dans cette perspective, tant sur la question des calendriers, dont l’histoire demeure lacunaire, que sur celle, immense, des temporalités et des rythmes vécus. Les bouleversements que connaît aujourd’hui la région dans le sillage des révolutions arabes offrent un terrain particulièrement fertile pour continuer à explorer la thématique du temps. Les changements en cours produisent en effet déjà de nouvelles temporalités, de nouveaux rythmes, et réorganisent en profondeur les rapports complexes entre passé, présent et futur.
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