SOCIOLOGIE – Université d’été : « Temporalités, rythmes sociaux, biographies et trajectoires » – Bruxelles – 30 juin au 4 juillet 2014

Rhuthmos
Article publié le 6 septembre 2015
Pour citer cet article : Rhuthmos , « SOCIOLOGIE – Université d’été : « Temporalités, rythmes sociaux, biographies et trajectoires » – Bruxelles – 30 juin au 4 juillet 2014  », Rhuthmos, 6 septembre 2015 [en ligne]. https://www.rhuthmos.eu/spip.php?article1593
Temporalités, rythmes sociaux, biographies et trajectoires


Université d’été organisée par le réseau international d’écoles doctorales en sociologie / sciences sociales (RéDoc) – Bruxelles – 30 juin au 4 juillet 2014


Résumé : Le RéDoc a tenu du 30 juin au 4 juillet 2014 à Bruxelles sa cinquième Université d’été sur le thème : « Temporalités, rythmes sociaux, biographies et trajectoires ». Cette séance de formation doctorale a été organisée par l’école doctorale « Thématique en sciences sociales » et le Fonds de la recherche scientifique, qui associe l’ensemble des universités de la fédération Wallonie-Bruxelles, ainsi que par l’association belge francophone de sociologie et d’anthropologie (ABFSA). Pendant une semaine, les doctorants ont eu la possibilité d’assister à des conférences, de participer à des modules de formation et de présenter leurs communications lors d’ateliers abordant un ou plusieurs aspects de ce thème.


Présentation : Il y a plus de 100 ans que Durkheim (1985), s’appuyant sur une partie des connaissances de l’anthropologie sociale et culturelle disponibles à l’époque montrait que le temps, comme l’espace, était un construit culturel, exprimant le rythme de l’activité collective tout en en assurant la régularité. Hubert, Halbwachs et d’autres, d’Evans-Pritchard et Sorokin à Gurvitch en passant par Merton, Hall et Leach, poursuivront l’exploration des conséquences de cette démonstration, notamment en insistant sur le fait que le temps n’est ni uniforme, ni homogène et que son analyse donne une des clés de la compréhension de l’action, des interactions et des structures sociales. Plus récemment, Elias résume en disant que « l’activité de détermination du temps et le concept de temps sont inséparables de la représentation générale que les hommes se font de leur univers et des conditions dans lesquelles ils y vivent » (1996 : 199). Elias, avec d’autres sociologues et historiens comme Thompson, Le Goff, Zerubavel ou Grossin a aussi attiré l’attention sur le rôle des techniques de mesure du temps, qui structurent nos sociétés comme nos vies. Cette thématique imprègne donc les sciences sociales depuis longtemps et est à l’origine de nombreux travaux, menés notamment au sein de l’AISLF (CR10 sur les temps sociaux) et de revues spécialisées, comme Temporalités et Time & Society.


Une série d’évolutions démographiques, économiques, culturelles, techniques et institutionnelles ont non seulement modifié les arrangements temporels antérieurs, mais aussi redéfini leurs articulations. De tels changements s’observent dans la sphère familiale, le travail professionnel rémunéré, le fonctionnement des organisations, la séquence formation-emploi ou encore dans les politiques publiques (d’emploi, familiale, sociale, des villes…) et dans les contours de la vie privée. Les temporalités sociales se complexifient, en relation avec les transformations de l’action publique et l’émergence des politiques de la subjectivité et du « travail sur soi » (Vrancken, 2008). Des thèses sont avancées sur la déstandardisation des calendriers familiaux et professionnels, sur la porosité entre les milieux de vie, sur les décalages et l’individualisation des rythmes sociaux, sur la redéfinition des carrières professionnelles et des cycles de vie, sur la place croissante de l’immédiateté et de l’urgence, voire sur la transformation du temps lui-même. La diffusion et les possibilités des nouvelles technologies de l’information favoriseraient ainsi la formation, dans certaines sphères de la vie économique et sociale d’un temps aussi global qu’instantané, qui serait un trait majeur de la mondialisation (Laïdi, 1997). Notre « Société de l’accélération » (Rosa, 2010) se caractériserait par un sentiment croissant et chronique de manque de temps, en même temps que des associations organisent des « banques du temps », où le temps s’échange comme un bien ou un service.


Alors qu’avec l’entrée dans la modernité avait émergé une temporalité prospective, confiante dans l’avenir, dans un progrès que l’on pensait linéaire et inéluctable et dans la capacité de l’homme d’en maîtriser les effets, depuis les années 60-70 du siècle dernier semble s’imposer un retournement qui se manifeste au travers de pratiques qui se construisent autour d’une sémantique où se côtoient les termes « catastrophe », « risque », « crise », « précaution », « vulnérabilité » et « résilience ». La hantise du futur et une inquiétude latente deviennent progressivement de nouveaux référents anthropologiques de l’action en même temps que se mettent en place de nouveaux dispositifs, gestion des risques, calcul de résilience, principe de précaution, pharmacologie de l’angoisse... attestant de ce retournement. Parallèlement, la conception du futur semble se redéfinir ; s’il reste un moteur de l’action individuelle et institutionnelle, ce serait désormais surtout sous la forme d’un « présent étendu » (Nowotny, 1992).


Les cadres analytiques donnent ou redonnent en outre une place centrale à des notions indissociables du temps, comme les générations, les transitions, les cycles ou encore, les « régimes temporels », qui désignent les arrangements qui concernent « la répartition des engagements tout au long de la vie des individus dans les espaces sociaux d’activité et les cadres normatifs, institutionnels, légaux dans lesquels ces engagements s’inscrivent. » (Nicole-Drancourt, 2009 : 2). Les anthropologues, de leur côté, cherchent à appréhender la question du temps « hors de toute instrumentalisation par les rapports socio-idéologiques de chaque époque » (Torrelli, 2013). Cette « anthropologie du temps » (Gell, 1992) porte notamment sur la mémoire, l’anticipation, la notion du présent, les calendriers ou le rythme qui, sous-tendant les interactions, contribue à la création de mondes partagés.


Enfin, les travaux portant sur les biographies, les parcours, les carrières et les trajectoires soulignent les articulations différenciées des temporalités. Des parcours individuels sont manifestement marqués par les événements passés alors que d’autres sont tournés vers le futur. Le temps présent se comprend aussi par les articulations entre le passé et le futur, alors que ce dernier est souvent modifié par les expériences en cours.


Cet intérêt pour ces approches, qui est établi depuis longtemps, se traduit, du point de vue méthodologique, par la popularité croissante et le perfectionnement des analyses longitudinales, qui permettent notamment d’ordonner des événements, de suivre des individus ou des groupes d’individus et de repérer des flux. Qualitatives ou quantitatives, des techniques comme les récits de vie et les histoires de vie, les approches par cohorte, les analyses biographiques, les études rétrospectives, les enquêtes par panel, l’approche lifecourse, les analyses de séquences, l’event history analysis, etc., ont apporté des éclairages nouveaux sur les processus de la vie sociale. Le temps du terrain anthropologique, quant à lui, semble incompressible : c’est le temps de la rencontre avec l’autre, celui de la confiance et de l’apprentissage.


Tant l’évolution de la réalité sociale que les analyses qui en sont faites nous encouragent à consacrer l’université d’été à faire le point et à mettre en débat les diverses facettes du vaste champ thématique et méthodologique qui vient d’être rapidement balisé.


Propositions de modules : (à titre indicatif : les modules ont été définis à partir des communications retenues).


• Appréhender les dynamiques temporelles : concepts et méthodes.

• Temps subjectif, temps vécu, symbolique, vocabulaire et culture du temps.

• Âges et générations.

• La recomposition des régimes temporels et ses effets.

• Nouvelles technologies et transformations du rapport au temps.

• Intersectionnalité et inégalités face aux temps.

• Les interférences et articulations entre milieux de vie (travail, famille, loisirs, formation…).

• Diversité et articulation des temps sociaux (temps de la ville, de la famille, du travail, etc.).

• Parcours de vie, carrières et transitions biographiques.

• Évolution, démultiplication et déstandardisation des temporalités, des cycles de vie et des usages du temps.

• Temps de travail et flexibilité. • Politiques publiques, transitions et trajectoires individuelles. • Apports et limites des techniques d’analyses de données temporelles.


Bibliographie :


• Anxo D., G. Bosch and J. Rubery (Eds) (2010), The Welfare State and Life Transitions : A European Perspective, Cheltenham,Northampton, (MA), Edward Elgar Publishing, Inc.

• Chauvel L. (1998), Le destin des générations, Paris, PUF.

• Durkheim E. (1985), Les formes élémentaires de la vie religieuse, Paris, PUF, collection Quadrige, 7e édition, édition originale : 1912.

• Elias N. (1996), Du temps, traduit de l’allemand par Michèle Hulin, Paris, Fayard, édition originale : 1984.

• Elzinga, C. H. and A. C. Liefbroer (2007), « De-standardization of family-life trajectories of young adults : A cross-national comparison using sequence analysis », European Journal of Population, 23, 225–250.

• Gell A. (1992), The anthropology of Time. Cultural Constructions of Temporal Maps and Images,Oxford, Berg.

• Griot (2004), Figures du temps. Les nouvelles temporalités du travail et de la formation, Paris, L’Harmattan.

• Laïdi Z. (1997), Le temps mondial, Bruxelles, Complexe.

• Nicole-Drancourt Ch. (2009), « Un impensé des résistances à l’égalité entre les sexes : le régime temporel », Temporalités [En ligne], 9, 2009, mis en ligne le 30 septembre 2009. URL : http://temporalites.revues.org/1067.

• Nowotny H. (1992), Le temps à soi. Genèse et structuration d’un sentiment du temps, traduit de l’allemand par Sabine Bollack et Anne Masclet, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, édition originale : 1989.

• Paugam S. (2012), « Les cycles de la solidarité envers les pauvres », in Castel R. et N. Duvoux, L’avenir de la solidarité, Paris, PUF, 23-41.

• Rogowski R., Salais R. and Whiteside N. (eds) (2012), Transforming European Employment Policy : Labour Market Transitions and the Promotion of Capability, Cheltenham,Northampton, (MA), Edward Elgar Publishing, Inc.

• Rosa H. (2010), Accélération. Une critique sociale du temps, traduit de l’allemand par Dider Renault, Paris, La Découverte, édition originale : 2005.

• Torrelli F. (2013), « Anthropologie du temps », http://cria.u-strasbg.fr/groupes/temps.html, 5 février 2013.

• Vrancken D. (2008), « L’action publique à l’épreuve des temporalités sociales » in Châtel V. (éd.), Le temps des politiques sociales, Academic Press Fribourg, 117-140.

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