Cette notice bibliographique a déjà paru dans Éd. Crahay, Bulletin des Sciences Juridiques et Sociale. Revue néo-scolastique, 1899, vol. 6, n° 24, p. 439-440.
L. Stein, Wesen und Aufgabe der Sociologie. Eine Kritik der organischen Methode in der Sociologie, (Abdruck a. d. Archiv f. system. Philosophie, Berlin, 1898).
Cette brochure est la reproduction, un peu amplifiée et synthétisée, d’une communication présentée par M. Stein au Congrès de Sociologie de 1897. Le sous-titre en indique clairement la tendance. L’intérêt principal nous paraît résider dans une analyse approfondie de la notion de « loi sociale ». Ce terme vient aisément aux lèvres du sociologue. A quoi répond-il au juste ? Et dans quelle mesure la signification qu’il a reçue dans le domaine de la nature peut-elle être transposée au domaine mystérieux encore des sociétés ?
Pour M. Stein, l’assimilation de la science sociale aux sciences de la nature est absolument erronée. Les sciences naturelles seules ont affaire à des lois générales, qui règnent toujours et partout. A l’antipode en quelque sorte, l’Histoire se limite aux faits spéciaux : un fait historique est un unicum, parce qu’il ne se répète jamais dans des conditions d’identité absolue. La Sociologie tient un rang intermédiaire : sans doute, son objet matériel n’est pas différent de celui de l’histoire ; seulement elle envisage les faits historiques, non en ce qui les individualise, mais en ce qui les rend analogues. Les phénomènes sociaux manifestent, en effet, comme les phénomènes naturels, certains rythmes, certaines périodicités ; sous chaque rythme nous pouvons aussi, dès lors, supposer une loi. Mais les lois sociologiques n’ont pas le même caractère que les lois physiques : ici, les processus présentent une régularité absolue et, par conséquent, les lois offrent une certitude indéfinie ; là, les rythmes souffrent des exceptions, des variantes ; les lois observées ne peuvent donc fournir que des probabilités. — La raison de cette différence saillante ? D’un côté, nous sommes dans le domaine de la nécessité et, de l’autre, dans celui de la finalité : dans ce dernier cas, les lois s’imposent d’une façon toute relative, comme les conditions de l’obtention du but, non avec une inéluctable rigueur.
De là suit l’inaptitude foncière de la méthode organique à édifier la Sociologie spéculative : elle prétend, en effet, appliquer les procédés d’investigation des sciences naturelles à des faits qui n’admettent point la fatalité ; elle prétend employer la déduction là où l’induction peut seule être fructueuse. — Moins capable encore serait-elle d’élaborer la Sociologie pratique ou déontologie sociale, c’est-à-dire de découvrir les règles impératives de conduite qui se proposent à notre volonté : il ne peut être question de « devoir » là où l’on ne connaît qu’un « falloir ».
Triple est, en effet, suivant M. Stein, la fonction de la Sociologie : 1° Observer les faits sociaux, en noter les rythmes statistiques, sur ces rythmes baser des règles empiriques ; tout cela, c’est le côté descriptif, statique. 2° Rechercher les causes des rythmes et, les ayant découvertes, établir les « lois » des faits sociaux à un point de vue spéculatif ; c’est la Dynamique sociale. 3° Appliquer ces lois à la pratique et tracer les devoirs sociaux.
La première partie lui paraît seule réalisable, dans l’état présent de la recherche scientifique. La méthode historique et comparative est la meilleure à employer.