Ce texte a déjà paru dans la revue Sociologie du travail, vol. 59 - n° 3 | Juillet-Septembre 2017. Nous remercions Edouard Gardella de nous avoir autorisé à le reproduire ici.
Résumé : Dans les travaux sociologiques problématisant la pauvreté comme une relation d’assistance, il est courant d’analyser les aidants et/ou les aidés. Il est plus rare d’observer leur interdépendance, en considérant de manière systématique les pratiques par lesquelles chacun tient compte des effets de son action sur l’autre — autrement dit, en considérant leur (plus ou moins grande) réflexivité au cours de la relation d’aide. La perspective philosophique du care invitant à problématiser la réception de l’aide, une sociologie de la réflexivité conduit à observer dans quelle mesure les aidants ajustent l’aide au gré de ses réceptions par les aidés. Cet ajustement varie selon la légitimité et le temps accordés à cette réception par les dispositifs d’assistance. Le cas de l’urgence sociale, destinée aux personnes sans abri définies comme des victimes en détresse, est à ce titre intéressant, en ce que l’ajustement de l’aide y est a priori très faible : les sans-abri sont considérés comme peu lucides sur leur état et comme devant être secourus de façon ponctuelle. Pour décrire les formes diverses de réflexivité observables dans les pratiques d’aide aux sans-abri à Paris entre 2005 et 2015, nous combinons méthode idéale-typique et démarche ethnographique pour éclairer des pratiques d’ajustement inattendues dans une relation d’urgence. Cet article caractérise plus généralement le temps de l’aide comme une épreuve de synchronisation entre production et réception de l’aide.
Mots-clés : Care, Réception, Temporalités, Urgence sociale, Réflexivité, Synchronisation
Keywords : Care, Care-receiving, Temporalities, Social Emergency, Reflexivity, Synchronisation