Chevaucher le lombric. Inférences rythmiques entre les vivants, au Japon

Yoann Moreau & Masumi Oyadomari
Article publié le 1er juin 2024
Pour citer cet article : Yoann Moreau & Masumi Oyadomari , « Chevaucher le lombric. Inférences rythmiques entre les vivants, au Japon  », Rhuthmos, 1er juin 2024 [en ligne]. https://www.rhuthmos.eu/spip.php?article3060

Cet article a déjà été publié dans Techniques & Culture. Revue semestrielle d’anthropologie des techniques, 73 | 2020 – Édition électronique : URL : https://journals.openedition.org/tc/13488. Nous remercions Yoann Moreau pour l’autorisation de reproduire cet article sur RHUTHMOS.

 

Into this house we’re born
Into this world we’re thrown

The Doors, Riders on the Storm, 1971


Préambule

 

Dans ce qui suit nous allons décrire l’agriculture pratiquée par M. Masumi Oyadomari dans le village de Koshimoda, sur la côte ouest de la péninsule d’Izu, à 150 km au sud-est de Tokyo (figure 1). La manière dont Masumi s’inspire du vivant pour informer sa pratique pourra sembler incongrue aux lecteurs accoutumés à séparer le naturel et l’artifice, l’observation (de la vie, de la nature) et la participation (à la vie, à la nature). C’est pourquoi nous plaçons ici un petit préambule.

 

Dans la tradition japonaise, la vie et la nature ne sont pas considérées comme extérieures aux humains, c’est-à-dire comme des phénomènes que l’on pourrait raisonnablement prétendre mettre à distance, objectiver, maîtriser, administrer. Pour Masumi en particulier, ce que la vie inspire semble relever avant tout de l’expérience sensible et affective, voire spirituelle.

 

Ce qu’il apprend au contact des autres espèces habitant dans ses parcelles, c’est la manière dont d’innombrables façons d’être au monde s’acculturent, c’est-à-dire vivent en interférences et en inter-inférences les unes à l’égard des autres. Masumi s’inclut dans ce tissu de relations non hiérarchisées entre les vivants.

 

L’idée d’acculturation réciproque, présente dans la double consonne du terme fermacculture que nous allons employer pour nommer la pratique de Masumi, traduit un processus continuel d’inspiration et de transformation mutuelles entre les formes de vies, processus de « co-suscitation » (engi 縁起) dont les humains sont pleinement partie prenante et qui, au Japon, caractérise le devenir commun des vivants (Imanishi 2015). [...]

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