J. Rogozinski, Guérir la vie. La passion d’Antonin Artaud

Article publié le 6 avril 2011
Pour citer cet article : , « J. Rogozinski, Guérir la vie. La passion d’Antonin Artaud  », Rhuthmos, 6 avril 2011 [en ligne]. https://www.rhuthmos.eu/spip.php?article327

J. Rogozinski, Guérir la vie. La passion d’Antonin Artaud, Paris, Le Cerf, 2011.

 Pourquoi écrire un livre sur Antonin Artaud ? Parce qu’il me l’a demandé : impossible de le lire sans être appelé par sa voix. Mais comment répondre à son appel sans le trahir ? Comment lire en philosophe celui qui clamait sa « haine de la philosophie » ? Comment le lire sans le dévorer ni se laisser dévorer par lui ?


Règle de lecture : ce qu’il écrit est vrai. Laissons cette vérité s’affirmer par elle-même sans lui imposer la grille d’une pensée étrangère — et sans prétendre la fixer dans la psychose ou la métaphysique. Pas de cruauté, pas d’impouvoir, pas de schizophrénie, pas de corps sans organes : autant de stéréotypes, de maîtres mots qui font obstacle à la lecture. Pourquoi écrit-il ? Pour sauver de l’oubli ses muses assassinées, ces corps massacrés, tous ces morts « dont le nom n’a jamais passé dans l’histoire ». Pour sortir de l’enfer, pour traverser cette « Poche Noire » où il a sombré, se réapproprier son je, son nom dont il a été dépossédé. Si la folie est l’absence d’œuvre, le retour du Mômo est une « insurrection de bonne santé », la bonne nouvelle d’une résurrection : il est possible de franchir la mort, de franchir « dieu » pour se refaire un corps. Il est possible de guérir la vie.


C’est ce combat contre la folie, la mort et l’oubli, ce combat pour la vérité, que j’ai tenté ici de décrire : en passant de la scène du mythe — de la révolution théâtrale qui devait figurer la vie — à celle du fantasme, de la hantise sexuelle, du père-mère ; puis en remontant vers une dimension plus originaire, vers l’énigme d’une vie sans être, d’une chair qui est moi. Chair déchirée, en quête de son incarnation majeure, chair qui ne cesse de mourir, et pourtant toujours renaissante... Cette vérité du moi-chair qu’il voulait faire résonner dans la langue et le rythme du poème, sommes-nous enfin capables de l’entendre ?

 Jacob Rogozinski est docteur et agrégé de philosophie. Directeur de programme au Collège international de philosophie de 1986 à 1992, il est actuellement professeur à l’université de Strasbourg.

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