Ce texte a déjà paru dans M.-J. Menozzi, F. Flipo & D. Pécaud (dir.) Énergie et Société : sciences, gouvernances et usages, Aix-en-Provence, Edisud, 2009, p. 25-34.
Pour lire ce texte, si vous êtes éclairé par une lumière artificielle ou que vous utilisez un ordinateur, vous avez recours à l’électricité. Le bâtiment dans lequel vous vous trouvez et l’éclairage ou l’ordinateur dont vous faites peut-être usage sont probablement reliés par des conducteurs électriques à une infrastructure municipale ou régionale. Même si vous êtes dehors, en plein soleil, la ville dans laquelle vous vous trouvez peut-être dispose d’un réseau électrifié, et les mouvements des gens y sont probablement régulés par des feux de signalisation.
Dans la ville de Montréal, où j’ai écrit ce texte, 95 % de l’électricité
est d’origine hydro-électrique, et provient d’une des rivières du Québec ou
du Labrador (Hydro-Québec). L’électricité est un mouvement dynamique,
un courant de molécules, et il est par conséquent difficile de déterminer
sa forme. En effet, l’utilité de l’électricité réside précisément dans sa
flexibilité, dans le potentiel des formes multiples et dynamiques ; mais pour
être utile elle doit être médiatisée par un réseau technique constitué de la
négociation de nos sociétés contemporaines avec le paysage matériel de
notre existence.
En m’inspirant de la philosophie de la technicité de Simondon (1969),
je souhaite proposer l’idée que l’électricité est une relation technique de
transduction. Pour cet auteur, une transduction est une trans-formation
mais elle est aussi un changement en matière, une trans-matérialisation Au
plan étymologique, le terme « transduction » réfère à la biologie. Il est défini
comme un « transfert génétique entre bactéries s’effectuant sous l’action
d’un bactériophage » (Nouveau Petit Robert, 2008). Dans la philosophie que
propose Simondon, les entités socio-techniques évoluent dans un processus
« génétique ». L’évolution « génétique » des éléments, individus, et ensembles
techniques y est intimement liée et est indissociable de nos us et coutumes.
Dans ce texte, je m’intéresserai à trois transductions superposées :
– la relation matérielle qu’est l’électricité, plus spécifiquement à
travers les réseaux de l’hydroélectricité au Québec,
– les effets de l’éclairage électrique en milieu urbain, effets en
partie révélés par l’installation expérimentale d’un interrupteur
communal pour les lampadaires d’un cul-de-sac résidentiel à Vejle,
au Danemark ; et finalement,
– le rôle régulateur et rythmique des feux de signalisation dans les
villes. [...]