Conférence de Jérôme Ducros au Collège de France le 20 décembre 2012.
L’attitude moderne (en gros, l’insoumission), est un invariant de l’histoire de l’art, compagne de toutes les révolutions, moteur de tous les changements. L’esthétique moderne, en revanche, n’est que l’esthétique d’une époque : en l’occurrence aujourd’hui celle du XXe siècle. Pour la musique, elle présuppose entre autres l’atonalisme, selon une décision multilatérale vieille d’une centaine d’années environ. [...] Aux grandes heures de la modernité (Stravinsky, Picasso…), attitude et esthétique allaient de pair dans des œuvres souvent saisissantes. Désormais, soit je choisis l’esthétique moderne (et mon attitude sera alors typiquement anti-moderne, puisque je souscrirai aux canons que mes professeurs ou mes prédécesseurs m’auront imposés), soit je choisis l’attitude moderne (qui entraînera de ma part un rejet de l’esthétique imposée, donc de la modernité, dont il sortira une œuvre littéralement anti-moderne). Si l’on admet que la vraie modernité se doit de conjuguer une attitude et une esthétique qui lui soient entièrement soumises, on est forcé de conclure qu’il est impossible aujourd’hui d’être moderne.