T. Grannis, Modernités de Meschonnic. Entre poétique et philosophie, Mémoire de Master2, Université Paris I - Panthéon-Sorbonne, 2016.
- Quelle est la pertinence de l’œuvre d’Henri Meschonnic (1932-2009) pour un lecteur philosophe ? Le linguiste, poète et traducteur tient souvent à rappeler que sa poétique est une « anti-philosophie ». Pourtant, force est de constater qu’il discute, dans ses principales œuvres théoriques, les thèses philosophiques de la plupart des auteurs modernes et contemporains. Nous pouvons notamment citer Spinoza, Hegel, Marx, Heidegger, L’École de Francfort (Horkheimer, Adorno, Habermas). La philosophie n’est donc pas refoulée à la marge de la poétique meschonnicienne, mais constitue bien l’un de ses centres. L’anathème jeté par Meschonnic sur la philosophie du langage serait donc avant tout dû à son absence de théorie du langage, pourtant nécessaire à la compréhension de sa spécificité. Selon Meschonnic, seule la poétique permet de développer une théorie du langage, donc une théorie du sujet. Seule la poétique possède la capacité réflexive de critiquer les catégories qu’elle met en œuvre pour étudier les représentations que nous nous faisons du langage – car du langage, nous n’avons que des représentations – et ainsi d’historiciser ses propres opérations. La poétique peut dès lors se généraliser à l’ensemble des sciences humaines, que Meschonnic renomme « disciplines du sens ». Tout un réseau de signifiants tisse un parcours pour un travail indéfini : « poétique du sujet », « poétique de la politique », « poétique de la société », « poétique de l’historicité », la liste est non-exhaustive. [...]