Au début des années 1980, Elias a montré que la diversification et l’allongement des chaînes d’interaction, phénomènes qui remontent en Occident au moins à la Renaissance, appellent la mise en place d’une mesure du temps standardisée et pour laquelle il n’y a plus aucun moment qualitativement distinct, aucun accent [1]. Afin que des acteurs engagés simultanément dans des interactions multiples et à des tempos différents puissent s’orienter dans la profusion des événements, se joindre malgré tout et s’engager dans de nouvelles interactions, il faut en effet qu’ils disposent d’un étalon temporel commun objectif – c’est-à-dire en fait indépendant de leurs relations. La multiplication et la diversification des temporalités des acteurs se sont donc accompagnées de la construction d’une temporalité métrique unifiée, qui leur permet désormais de s’orienter et de coordonner sans difficultés leurs actions.
Tout en développant de manière très convaincante l’idée durkheimienne d’un primat du social sur la catégorie de temps, et en l’adossant à une sorte d’interactionnisme holiste de bon aloi, la théorie éliasienne bute malgré tout sur une difficulté. Elle s’enracine dans une théorie de la « civilisations des mœurs » qui, certes, a beaucoup d’avantages par rapport aux histoires de l’individuation traditionnelles – y compris des histoires plus tardives comme celle imaginée dans les années 1980 par Louis Dumont –, mais qui n’est pas non plus sans limites. Si elle prend en compte les vicissitudes de « l’individu engagé » et du « moi », elle laisse de côté des notions aussi importantes que le « singulier », « l’agent » et le « sujet langagier ». Par ailleurs, elle conserve le dualisme chronologique traditionnel et flirte avec un évolutionnisme préjudiciable à une connaissance véritablement historique des formes à la fois proliférantes et composées d’individuation singulière et collective. Du coup, l’idée selon laquelle la diffusion du temps métrique s’accompagnerait nécessairement d’une intensification du dressage, du refoulement des pulsions et de la construction d’une psyché toujours plus divisée semble moins solide qu’elle n’a pu le paraître au premier abord.
À la fin des années 1990, l’accent qui était mis sur la construction d’un temps objectif, métrique, unifié et universel – ce temps typique de la civilisation industrielle et disciplinaire – et de la forme dominante de personnalité qui l’accompagnait, cet accent a commencé à glisser vers la question des rythmes qui organisent les activités et par conséquent vers celle des multiples formes d’individuation singulière et collective qui y sont produites, reproduites, abimées ou détruites.
Je prendrai comme témoin de cette mutation un article écrit en 1997 par Alberto Melucci intitulé « Rythmes internes et rythmes sociaux dans un monde planétaire » [2]. Comme ce titre l’indique, le propos de Melucci se développe sur deux plans.
I ritmi interni
Dans la tradition de la sociologie et de la psychothérapie italiennes, Melucci développe, tout d’abord, une phénoménologie des rythmes internes – i ritmi interni. Le temps interne possède, selon lui, des caractéristiques très différentes de celle du temps « mesurable », « linéaire » et « uniforme » « construit par notre environnement technologique ». Primo, ce temps n’est pas mesurable puisque la perception interne du temps varie d’un moment à l’autre, de situation à situation : « Une minute peut “durer une heure”, alors qu’une journée peut s’envoler en un instant ; une sensation exactement identique est quelquefois rapide et d’autres fois d’une lenteur mortelle. » Secundo, le passage entre ses différents moments est discontinu. Les changements de moments internes sont imprévisibles : « [Ces moments] peuvent soudainement faire irruption les uns dans les autres, un peu comme lorsqu’un événement inattendu vient interrompre le train-train quotidien ». Tertio, ce temps n’est ni unifié ni constant. Il regroupe des temps différents qui se succèdent, s’entrecroisent et se chevauchent. Un temps cyclique qui s’approche de celui du mythe – dans le corps, les sensations et les rêves, certains événements reviennent et se répètent sous une forme à peu près identique. Un temps composé de tranches simultanées multidirectionnelles qui abolissent la règle de non-contradiction : « Nous pouvons très bien établir les relations existant entre des événements qui défilent dans un mouvement de va-et-vient de l’avant vers l’arrière à travers le temps, mais aussi de haut en bas (et en changeant par là de plans temporels). Nous pouvons nous mouvoir à travers le temps interne de façon à la fois consécutive et simultanée. » Enfin, un temps qui a la faculté de cesser de s’écouler, de rester immobile. Un tel phénomène peut survenir à travers la succession rapide d’une série d’événements intérieurs répétés et fugaces qui créent l’expérience de l’immobilité ; il peut être aussi le résultat d’une absence d’événements et de réflexions qui est alors éprouvée comme un vide.
On voit vers quelle conclusion Melucci se dirige ici – une conclusion qui n’est pas très éloignée de celle d’Elias : les individus, dont la temporalité intérieure serait relativement libre, auraient de plus en plus de mal à se soumettre à une temporalité sociale qui serait, quant à elle, toujours plus finement, mécaniquement et objectivement réglée. Non seulement les moments de contact avec soi-même seraient de plus en plus restreints, mais leur logique temporelle divergerait toujours plus strictement de celle des moments d’interaction. La difficulté apparaîtrait de la manière la plus aiguë « dans les relations entre adulte et enfant, dans le traitement de la folie ou dans la définition sociale de la diversité ». Les échecs pédagogiques, la maladie ou le rejet de l’autre seraient les signes d’une discordance non-résolue entre le temps interne et le temps social. Elias donnait pour sa part comme exemple de pathologie du temps métrique les « retardataires compulsifs ».
Mais ces remarques, qui présupposent une opposition dualiste entre une sphère intérieure qui serait dotée d’une liberté et d’une spontanéité naturelles et un monde extérieur dominé, lui, par la contrainte sociale, s’accompagnent d’une approche moins traditionnelle qui s’entrelace avec la première mais dont on peut assez facilement la distinguer.
Melucci souligne en effet un autre aspect de ces transformations. Comme Elias, il note que la construction du temps linéaire et objectif s’est appuyée sur l’effacement d’un certain nombre de points de repères accentuels qui scandaient la vie collective et singulière. Depuis le XIXe siècle, le cycle naturel du jour et de la nuit a été en grande partie effacé par l’éclairage artificiel. Aujourd’hui, au moins dans certaines industries ou dans certaines villes, l’activité humaine ne s’arrête jamais. De même, le cycle des saisons est devenu moins sensible depuis que nous pouvons consommer des fruits et des légumes venant d’un autre hémisphère et nous transporter sous les tropiques ou à la montagne à n’importe quel moment de l’année. Même la naissance et la mort, « événements qui sont [pourtant] la quintessence du rythme de la nature », sont en train de devenir des produits de l’intervention médicale et sociale soutenue par des moyens technologiques.
Mais si ces transformations ont permis de mettre en place un temps lisse, privé de tout accent, le retrait des anciens rythmes indexés sur les cycles cosmiques et biologiques n’a pas signifié la disparition de tout rythme. Bien au contraire – et c’est là que Melucci se sépare de son prédécesseur –, une multiplicité de rythmes d’interactions, fondés en grande partie sur de nouveaux moyens techniques, a fait son apparition : « Il y a, remarque-t-il, pour chaque type d’événement une scansion particulière, un rythme établi sur lequel est structurée l’expérience sociale et sur lequel se fondent les attentes. » Autrement dit, si la construction de la temporalité mécanique et objective moderne permet de coordonner des interactions de plus en plus diversifiées et formant des chaînes de plus en plus longues, elle n’a pas les effets socio-psychologiques unificateurs que lui attribuait Elias. Au contraire, elle rend possible la prolifération des rythmes et donc des formes d’individuation singulière et collective.
I ritmi sociali
Parallèlement à sa phénoménologie des rythmes internes, Melucci développe ainsi une analyse purement sociologique des rythmes définis par les conditions pratiques des interactions – i ritmi sociali. Du fait des nouveaux développements du capitalisme, de la mondialisation de la production et des échanges, et des progrès des technologies de transport et de télécommunication, nous vivons dans un monde de plus en plus « complexe », au sens des théories de la complexité, c’est-à-dire à la fois de plus en plus différencié et interconnecté. Nous appartenons à une pluralité grandissante d’équipes de travail, de réseaux, d’associations ou de groupes de référence et la quantité d’informations que nous émettons ou que nous recevons augmente en permanence, dans la mesure où les médias, l’environnement professionnel, les relations interpersonnelles génèrent des flux d’informations toujours plus importants.
Notre action est ainsi soumise à une double contrainte : d’un côté, elle se divise entre des sphères d’action de plus en plus nombreuses et distantes les unes des autres ; de l’autre, elle est sans cesse soumise à la pression des informations, injonctions, stimuli qui lui parviennent par les divers moyens de télécommunication, moyens qui lui deviennent simultanément indispensables pour relier et tenir ensemble autant que faire se peut ses différents moments. Cette double contrainte explique que notre expérience tende à la fois à se fragmenter et à devenir de plus en plus dépendante de moyens extérieurs pour garantir son unité.
Autrefois, la plus faible diversité des interactions, leur stabilité, leur aspect routinier et prévisible, la lenteur des transformations sociales et techniques, la maigre quantité d’informations à traiter, permettaient à tout un chacun de s’appuyer sur des rythmes corporels, langagiers et sociaux relativement stables et d’affirmer assez facilement la continuité de son identité.
Aujourd’hui, du fait de la multiplication et de la diversification des groupes auxquels nous participons, nos interactions se succèdent au cours de la journée, de la semaine ou de l’année de manière très irrégulière, parfois très rapidement, parfois en se chevauchant, mais aussi en s’arrêtant parfois brusquement. Ces nouveaux rythmes de la socialité nous imposent d’être capables d’arbitrer entre des possibilités d’interaction plus nombreuses, de passer sans transition de moments d’attente et de rapport à soi à des moments d’échange plus ou moins absorbants, et finalement de nous engager rapidement dans les groupes auxquels nous voulons participer, mais aussi éventuellement de nous en désengager tout aussi rapidement et souplement. Or, comme chaque champ possède ses propres règles de sociabilité, ses codes comportementaux, ses manières d’avancer dans le langage, c’est-à-dire ses propres rythmes et que cela rend impossible de compter sur des schémas d’action déjà éprouvés, il faut aussi être capable d’improviser en permanence la manière de se comporter lors des interactions. Ainsi notre expérience apparaît-elle de plus en plus morcelée, chaotique et incertaine.
Conséquences des transformations rythmiques sur l’individuation
Melucci analyse très bien les conséquences de ces transformations de l’expérience – et ses analyses ne doivent alors plus rien à l’intuition phénoménologique. Tout d’abord, le fait que les individus traversent au cours de leur existence quotidienne des moments de plus en plus hétérogènes, qu’ils soient portés par des rythmes de plus en plus hachés, a des conséquences sur la construction du sentiment de soi. Les individus éprouvent une plus grande difficulté à ramener cette diversité d’expériences à une unité intérieure biographique. Dans la mesure où le temps est peuplé de durées très différenciées, la durée constructiviste typique de la modernité, la durée historique animée par un telos, laisse la place à un présent peuplé d’histoires relativement indépendantes.
Par ailleurs, cette expérience d’éclatement s’accompagne d’une montée de l’incertitude. Confrontés à un trop-plein de possibilités les individus butent sur un paradoxe. Le principe du choix, qui était traditionnellement associé aux idées de liberté et de responsabilité, devient synonyme de destin et de nécessité : « Tandis que nos possibilités d’actions s’élargissent, note Melucci, nous nous sentons de plus en plus sous pression : nous devons opérer des choix fréquents et permanents et, en réalité, nous n’avons aucun moyen d’éviter cette opération. » Or, ce paradoxe engendre des troubles psychologiques et comportementaux inédits. Choisir se révèle être pour les individus une tâche de plus en plus lourde et frustrante : « Ce qui est laissé de côté est en effet toujours, de façon disproportionnée, beaucoup plus considérable que ce qui est choisi. » À la fatigue du choix s’ajoute, dès qu’il est accompli, une « pure expérience de perte sans objet bien déterminé » qui aboutit soit à la dépression, soit à des troubles maniaco-dépressifs lorsque certains individus s’engagent dans un effort désespéré pour conserver l’ensemble de leurs possibilités d’action : « La personnalité se fragmente alors en tentant de nier la partialité de chaque choix en divisant sa réalité interne, […] dans ce cas, la personne multiplie ses efforts et parcourt un cercle éreintant et sans fin. »
Enfin, ces difficultés à maintenir une unité psychique alors que l’expérience est toujours plus morcelée et incertaine, et l’angoisse qui naît de l’excès de possibilités, expliquent que nous soyons de plus en plus dépendants de la technique. On connaît depuis Thompson et Elias l’importance des instruments qui permettent de « mesurer » le temps, c’est-à-dire de le construire comme un continuum métrique, régulier et universel. Ce sont ces outils qui permettent aux individus de coordonner des interactions de plus en plus diversifiées et de développer les formes d’individuation, autrefois disciplinaires aujourd’hui plutôt nomades, qui leur sont adéquates. Instruit par l’expérience des années 1990, Melucci montre, quant à lui, que les techniques de télécommunication et de traitement de l’information sont désormais devenues à leur tour un support déterminant de l’individuation. De fait, il n’y a rien de plus intolérable et douloureux pour un adolescent aujourd’hui que de se voir confisquer son téléphone portable. Ce genre de sanction familiale ou scolaire déclenche en général des protestations véhémentes et scandalisées, qui montrent bien que l’on a touché à quelque chose de fondamental pour son identité personnelle. Ainsi n’est-il pas abusif de dire qu’une bonne part de l’identité de nos enfants se trouve aujourd’hui dans la puce de leur téléphone portable. Tout se passe comme si aux supports extérieurs traditionnels de l’individuation – la propriété privée et les droits sociaux [3] – s’étaient ajoutés, depuis quelques années, certains outils techniques de communication et de conservation/tri de l’information.
Dans l’esprit de sa génération arcboutée contre le monde industriel et disciplinaire, Melucci en appelle bien sûr, pour contrer ces tendances mortifères, aux ressources du corps, de l’intuition et de l’imagination : « Pour vivre le caractère discontinu et variable du temps et de l’espace, nous devons trouver un moyen d’unifier l’expérience autrement que par notre moi “rationnel”. Fragmentation et imprévisibilité échappent à la pensée causale et à la logique de l’efficacité. En revanche, elles exigent la sagesse de la perception plus immédiate, de la conscience intuitive et de l’imagination. » La solution serait donc en grande partie liée à un travail sur soi qui permettrait de reprendre contact avec la spontanéité et la puissance des rythmes internes mises en évidence par l’analyse phénoménologique.
Mais il ajoute à cette remarque très attendue une seconde proposition plus originale : « L’unité et la continuité de l’expérience individuelle ne peuvent être trouvées dans une identification fixe comportant un modèle, un groupe ou une culture bien définis. Elles doivent donc être plutôt fondées sur une capacité interne à “changer de forme”, à se redéfinir constamment dans le présent, à renverser des décisions et des choix. » Autrement dit, le maintien voire l’amélioration de nos capacités à agir et à exister exige que nous nous montrions « capables “d’ouvrir et de fermer”, de prendre part au flux de messages et de s’en éloigner » , c’est-à-dire « de trouver un rythme d’entrée et de sortie qui permette à chacun d’entre nous de communiquer de façon sensée sans étouffer notre existence interne. » L’individu doit être en mesure, dit Melucci, d’établir « une oscillation permanente entre les deux niveaux d’expérience. Il doit devenir de plus en plus l’arbitre et le régulateur de cette oscillation ; il est le seul à avoir la faculté d’en donner le rythme et le tempo. »
Puisant dans sa double expérience de sociologue et de psychothérapeute, l’analyse de Melucci débouche ainsi sur une conclusion tout à fait remarquable, même si elle concerne avant tout les individus et n’évoque que de biais les changements sociaux qui doivent l’accompagner – une conclusion, en tout cas, assez différente de la précédente. Le meilleur moyen de lutter contre la dégradation de l’expérience à laquelle nous assistons ne serait pas de se retourner vers une puissance d’expérience et d’action qui serait naturelle au corps mais de transformer les rythmes de l’individuation selon une sorte d’eurythmie singulière et collective permettant de faire communiquer et d’associer souplement la complexité des rythmes internes et la profusion des rythmes sociaux : « Le passage d’un temps à l’autre, leur cohabitation facile, sinon assez harmonieuse, est l’une des principales conditions de l’équilibre personnel ainsi qu’un facteur critique pour la vie sociale dans son ensemble. »
Conclusion
On s’arrête souvent à une interprétation un peu simpliste du travail d’Elias sur le temps – publié il faut le rappeler au début des années 1980 –, sans faire l’effort de le réactualiser en fonction des données contemporaines. Or, les années 1990 ont vu des transformations radicales. Alors que le temps objectif métrique servait de toile de fond à une activité de type majoritairement industrielle et à une individuation disciplinaire, il est devenu aujourd’hui le meilleur soutien d’une activité dominée par l’information et la finance, et de nouvelles formes d’individuation très diversifiées, touchées par des formes inédites de pathologies.
Le texte de Melucci montre que ces années ont été le témoin, sur le plan théorique, d’un début de glissement des questions du temps et du vécu, qui avaient dominé une bonne partie du XXe siècle, à celles du rythme et de l’individuation, à partir desquelles la sociologie avait engagé sa réflexion. Certes, ce texte est lui-même assez composite et comprend à la fois des éléments phénoménologiques et des éléments qui prolongent en la diversifiant l’approche sociologique inaugurée par Durkheim et développée à sa suite par Mauss et Elias. Mais, avec un peu d’attention, on distingue facilement les arguments fondés sur le principe d’une naturalité du psychisme et sur le dualisme individu/social, d’une approche radicalement historique, à la fois pluraliste et unitaire, c’est-à-dire d’une approche rythmique.
Le problème aujourd’hui n’est pas tant de lutter contre la « rigueur » du temps métrique ou l’« accélération » de son tempo pour rétablir un « vécu aliéné ». Les propositions qui sont émises par les partisans de cette conception des choses – la mise en place d’« ilots de décélération » ou le « retour à nos rythmes intérieurs » – montrent assez sa faiblesse. Le problème est bien plutôt de mettre en place des rythmes sociaux – il faudrait ajouter ici des rythmes corporels et langagiers – qui soient favorables à une individuation de bonne qualité, c’est-à-dire qui permettent aux individus de devenir agents de leur propre vie. Et, symétriquement, de lutter contre ceux qui, au contraire, ont tendance à produire des individus faibles et labiles, des individus coupés de toute subjectivation. Comme l’entrevoit déjà Melucci à la fin des années 1990, il nous faut augmenter autant que possible la rythmicité de nos manières de fluer dans le corps, le social et le discours – et donc viser une eurythmie. Celle-ci ne saurait bien sûr être définie, comme on le faisait en Allemagne au début du XXe siècle, sur la base d’un retour aux rythmes de la Nature, du Cosmos et du Volk [4], ou encore d’une amélioration de l’efficacité du « moteur humain » et de son adaptation aux nouvelles conditions du capitalisme [5]. Cette eurythmie impliquera une nouvelle organisation des rythmes sociaux, corporels et langagiers, qui maximalisera la puissance de vivre des individus singuliers et collectifs.