Note sur le rythme dans les sciences de l’homme et de la société de 1940 à nos jours

Pascal Michon
Article publié le 10 juin 2010
Pour citer cet article : Pascal Michon , « Note sur le rythme dans les sciences de l’homme et de la société de 1940 à nos jours  », Rhuthmos, 10 juin 2010 [en ligne]. https://www.rhuthmos.eu/spip.php?article15

 Jusqu’aux années 1960, dans les sciences de l’homme et de la société, les recherches concernant les rythmes restent sur la lancée de l’entre-deux-guerres. Gurvitch propose de grandes synthèses théoriques où le rythme, sous la forme des tempos de la vie sociale, est en bonne place (La Vocation actuelle de la sociologie, 1950 ; Traité de sociologie, 1958-60). La sociologie du travail est particulièrement active avec les travaux de Friedmann consacrées au travail à la chaîne (Le Travail en miettes, 1956). L’anthropologie générale et préhistorique de Leroi-Gourhan jette également une intense lumière sur le rôle du rythme dans l’histoire anthropologique (Le Geste et la Parole, 1964-65).

 Pourtant, après 1965, l’intérêt pour le rythme disparaît dans les sciences sociales. Jean-Pierre Vernant en parle occasionnellement, quand on l’évoque avec lui, mais il n’écrit rien à son sujet. Le sociologue Henri Lefebvre publie encore un opuscule inspiré des réflexions menées avant la guerre par Bachelard (Éléments de rythmanalyse, 1992) toutefois ce texte tardif et un peu secret a peu d’écho chez les sociologues.

 Après une période de latence d’une dizaine d’années, l’intérêt pour le rythme glisse vers des disciplines extérieures aux sciences humaines et sociales, essentiellement vers la philosophie avec Foucault (Surveiller et punir, 1975), Deleuze-Guattari (Mille plateaux, 1980), Maldiney (dans ses travaux phénoménologiques sur les rythmes de l’art et de l’existence) et en poétique avec Barthes (Comment vivre ensemble, 1976-77) et surtout Meschonnic (Critique du rythme, 1982). Il faut noter, toutefois, la publication de Pour un autre Moyen Age. Temps, travail et culture en Occident de Le Goff, qui contient au moins deux textes importants concernant le rythme.

 Cette remarquable flambée n’a pas de suites immédiates. Dans les années 1980 et la première moitié de la décennie suivante, l’heure est aux modèles individualistes ou au mieux à de multiples tentatives pour réaccorder des principes jusque-là dissociés : les individus et les systèmes, la Gesellschaft et la Gemeinschaft, le juste et le bien commun, le libéralisme et le républicanisme.

 Ce n’est que vers la fin des années 1990 que le rythme commence, lentement, à réémerger. Il constitue aujourd’hui une force ascendante prête à s’imposer sur les plans aussi bien épistémologique qu’éthique et politique.

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