Cet article a déjà paru dans Maria do Carmo Ribeiro & Arnaldo Sousa Mello (dir.), Evolucão da paisagem urbana cidade e periferia, Braga, Centro de Investigação Transdisciplinar « Cultura, Espaço e Memória » – Instituto de Estudos Medievais – Universidade Nova de Lisboa, 2014, pp.175-204. Il est disponible en ligne sur la base des Archives ouvertes. Nous remercions Hélène Noizet et Davide Gherdevich de nous avoir autorisé à le republier ici.
Comme la plupart des villes, Paris connaît une dynamique d’urbanisation qui se traduit par une expansion progressive et pluriséculaire de l’espace urbain, du centre vers la périphérie. Cette expansion est souvent appréhendée de manière continue, du point de vue spatial, mais aussi temporel. D’une part, les espaces considérés comme les fronts pionniers de l’urbanisation prolongent ou jouxtent les espaces denses de la centralité urbaine suivant un schéma radio-concentrique : celle-ci se déplace de telle sorte que l’espace périurbain médiéval relève de l’espace central à l’époque moderne (et ainsi de suite). D’autre part, dans la longue durée pluriséculaire, les siècles se succèdent, sans véritable différenciation interne, c’est-à-dire sans identifier des phases d’accélération de l’extension urbaine, comme si le temps était réduit à une condition mathématique du processus urbain.
Une utilisation sérielle de la cartographie historique pré-industrielle, c’est-à-dire
les plans de ville produits à partir du milieu du XVIe s. jusqu’au début du XIXe
s., permet d’affiner cette restitution classique de l’expansion urbaine. L’objet de cet
article sera ainsi de mettre en valeur les rythmes, à la fois spatiaux et temporels de
l’urbanisation parisienne, l’urbain étant ici défini, à la suite des géographes, par le
couplage de la densité et de la diversité socio-spatiale. Pour cela, il faut constituer, à partir de ces plans dont les caractéristiques géométriques et sémiotiques diffèrent
fortement, une série de données comparables, qui montrent le degré d’urbanité
à différents moments au cours du temps. Nous souhaitons différencier les usages
du sol urbain en fonction d’un indicateur à trois niveaux (urbain, intermédiaire et
rural) car le critère habituel des enceintes, qui oppose de manière binaire le centre
enclos à la périphérie située à l’extérieur d’une enceinte, paraît insuffisant pour
appréhender la réelle dynamique urbaine : il peut y avoir des espaces peu denses et
peu diversifiés à l’intérieur de l’espace enclos et vice-versa. L’idée est d’analyser les
modalités à la fois spatiales et temporelles de l’expansion urbaine dans la longue
durée, mais à partir d’une série d’instantanés ayant chacun leur autonomie, et
non pas uniquement comme une lecture rétrospective à partir du point d’arrivée
connu, qui est ici la situation au début du XIXe siècle. L’analyse diachronique est donc ici
pensée comme un enchaînement de synchronies établies indépendamment de leur
devenir, ce qui va permettre de compléter le traditionnel schéma radio-concentrique
par une approche fondée sur l’identification des rythmes spatio-temporels de la
dynamique sociale, finalement assez proche de celle revendiquée aujourd’hui par
une certaine géographie pour l’urbain contemporain.
Après avoir présenté les documents planimétriques et la méthode utilisée dans le
système d’information géographique ALPAGE, nous identifierons certains rythmes
spatio-temporels de la dynamique parisienne à partir des cartes de l’occupation
urbaine en 1553, 1652, 1741 et 1836 ; puis nous proposerons des explications d’ordre
socio-économique ou socio-religieux pour rendre compte des différences entre
les deux rives.
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